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Stéphane Sajoux : « Il n'y aura pas de relance sans le Bâtiment »

Le 1er octobre dernier, il a troqué le costume de président de la Confédération des petites et moyennes entreprises de Seine-et-Marne (CPME 77) pour celui de président de la Fédération française du bâtiment Île-de-France Est (BTP 77). Stéphane Sajoux, 55 ans, a succédé à Thierry Fromentin. Administrateur de BTP 77 depuis 2015 et président fondateur du groupe Geceha (basé à Pontault-Combault, spécialisé dans le génie climatique et l'énergie durable, employant 60 salariés), il connaît parfaitement le secteur du bâtiment. Bien décidé à appliquer son programme et à défendre ses valeurs, malgré la crise sanitaire, il entame son mandat présidentiel avec beaucoup d'ambitions et de détermination.
Stéphane Sajoux : « Il n'y aura pas de relance sans le Bâtiment »
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Comment fait-on pour passer de la CPME 77 à la BTP 77 ?

Mon activité de bâtiment m'a amené à avoir un pied dans l'industrie et l'ingénierie et donc à avoir une vision transversale ou interprofessionnelle. Mais j'aime surtout être à l'écoute et au service des autres. C'est ce qui m'a motivé à prendre la présidence de la CPME 77 de 2017 à 2020 pour défendre les intérêts des TPE-PME de Seine-et-Marne. Cette expérience a été très formatrice et m'a permis de développer mon sens du dialogue et de m'épanouir dans un travail d'équipe très enrichissant. Je suis également assez fier des actions menées pendant ces trois années autour d'un conseil d'administration renforcé et uni. Nous avons été très présents sur le terrain auprès des Pouvoirs publics pendant le premier confinement. Toutes ces actions vont, bien sûr, se prolonger avec mon successeur, Denis Schiavone. Le bâtiment est mon secteur de cœur. Je suis chef d'entreprise depuis 27 ans et cette activité me permet d'allier action, innovation et relations humaines. Administrateur du BTP 77 depuis 2015, c'est tout naturellement que j'ai répondu à la sollicitation de mes consoeurs et confrères pour prendre la succession de Thierry Fromentin. Je souhaite faire perdurer l'esprit qui l'a animé : être au service des autres et contribuer à faire progresser le BTP77 et ses adhérents.

Comment abordez-vous ce début de mandat en pleine crise sanitaire ?

Avec combativité ! Le secteur du BTP a été pointé comme faisant partie des secteurs essentiels pour l'économie et dont l'activité devait être maintenue. Elle le sera dans le strict respect du Guide de préconisations de sécurité sanitaire de l'OPPBTP (organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics). Nos entreprises ont prouvé qu'elles savaient se montrer disciplinées et compétentes. La sécurité de nos salariés est notre priorité. L'ensemble de la chaîne de valeur doit être mobilisée de l'amont (fabricants et distributeurs) à l'aval (maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre). Mais même si la filière du bâtiment est soulagée de pouvoir travailler, nous devons faire en sorte que soient levées toutes les difficultés entravant la poursuite de nos chantiers : arrêt de certains chantiers, blocage de la délivrance des permis de construire, difficultés de circulation et de transport des équipes. Les TPE-PME du Bâtiment vont de nouveau devoir faire face à une période difficile. Lors du premier confinement, le BTP 77 a fait la preuve de sa capacité à défendre et accompagner ses adhérents. Dans cette nouvelle épreuve, toutes les équipes de la fédération sont mobilisées pour répondre aux questions, décrypter, synthétiser et diffuser une information pratique et utile, donner des outils, mais aussi écouter et rassurer. Cette écoute doit également permettre de faire remonter les dysfonctionnements ou blocages, afin que je puisse alerter les autorités. C'est ensemble que nous relèverons ce nouveau défi.

Vous comptez développer trois axes : l'innovation, la transversalité et le terroir.
Pouvez-vous détailler ce programme ?

Oui, effectivement, ces trois axes vont me guider durant les trois années de mon mandat. Si la crise du Covid-19 nous a poussés à modifier soudainement nos modes de fonctionnement, elle est aussi l'occasion de penser le monde différemment. Télétravail, transitions numérique et énergétique, logement, transports : de nombreux défis sociétaux attendent nos TPE-PME. L'innovation, qui est une réalité parfois minimisée, est, non seulement, technique mais aussi sociétale. C'est un challenge à relever par nos entreprises pour accéder aux marchés de demain. Nous devons capitaliser sur ce potentiel pour attirer des jeunes vers nos métiers et les inciter à travailler à nos côtés en adoptant de nouvelles technologies (bâti immobilier modélisé), de nouveaux matériaux (chanvre) et de nouvelles pratiques (responsabilité sociétale et environnementale). La création du « campus des métiers et des qualifications, transition numérique et Ecologique de la construction » en est l'incarnation. Ce projet, à l'initiative de l'Université Paris-Est Créteil (UPEC) et du BTP 77, est conçu en partenariat avec l'université Gustave-Eiffel et la cité Descartes de Champs-sur-Marne, ainsi que les lycées et les CFA du BTP de Seine-et-Marne pour être un pont entre l'économie, la formation et la recherche. La transversalité, c'est le plaisir de devoir développer sur chaque chantier des solutions particulières adaptées. Mais c'est également la clé de la construction et de la rénovation durable pour dépasser l'organisation en silo des chantiers, faire dialoguer les métiers entre eux et réussir l'interface des techniques. Tout cela représente de forts enjeux. Le terroir, enfin, fait partie de l'ADN du BTP 77. C'est son côté concret, durable et proche de ses adhérents, de ses clients et de ses partenaires. Rester ancré dans la réalité quotidienne, accompagner et prendre soin des entrepreneurs et des artisans fait aussi partie de mon engagement.

Comment avez-vous accueilli le plan de relance du Gouvernement ? La rénovation énergétique va-t-elle être la clé de voûte de ce dispositif de relance ?

Notre fédération se réjouit de trouver, dans ce plan, le bâtiment à sa juste place avec ces 7 milliards d'euros d'aides supplémentaires. L'engagement résolu du gouvernement en faveur de la rénovation énergétique doit être salué. Cette rénovation concerne le parc existant dans son ensemble, mais on peut noter plus particulièrement le soutien aux bâtiments publics concernant l'éducation, les hôpitaux et les Ehpad ou encore le soutien à la rénovation énergétique des bâtiments des PME, TPE et des indépendants. Néanmoins, les précisions apportées par le projet de loi de finances sur le dispositif “MaPrimeRénov'” présentent des risques de “trou d'air”. Les aides sont trop faibles pour certains types d'équipements, en particulier le changement de fenêtres. En revanche, la réintégration des ménages les plus aisés dans le dispositif est positive pour notre secteur, car ils génèrent à eux seuls la moitié environ des travaux de rénovation, mais on peut déplorer que l'aide accordée soit trop faible et il n'est donc pas certain qu'elle induise beaucoup de travaux. La difficulté de ce plan de relance est qu'il est parasité par la situation sanitaire. L'incertitude existe quant à la prise de décision des particuliers dans la réalisation de leurs travaux. Or pour eux, comme pour nos artisans et professionnels et pour l'environnement, il faut absolument passer à l'acte sans attendre et massifier enfin la rénovation énergétique des logements.

Le seul bémol, c'est l'absence d'aides pour la construction neuve. La baisse est très nette et les prix flambent. Êtes-vous inquiet ?

Oui. La FFB déplore l'absence inquiétante de mesures fortes sur ce segment. Le décrochage, amorcé dès le début 2020, ne cesse de s'accélérer. L'accompagnement à la réhabilitation des friches est important (650 millions d'euros sur deux ans), mais il ne permettra pas la relance à court terme de l'accession sociale et de l'investissement locatif. De nombreux emplois sont en jeu. Construire des logements pour tous permet, non seulement, de préserver l'emploi dans notre secteur, mais conditionne le développement économique et l'attractivité globale de notre département et de notre région.

L'embauche d'apprentis, favorisée par les bonus financiers, peut-elle constituer un solide levier ?

La rentrée dans les sept CFA d'Île-de-France a été plutôt bonne avec une hausse de 10 % des inscriptions. Cela est plus qu'encourageant, car ces chiffres dépassent les objectifs et même les pronostics. Malgré les incertitudes sanitaires et économiques, les CFA ont réussi à s'organiser pour répondre aux besoins des entreprises et des jeunes. Les entreprises du BTP sont parmi les premières à embaucher des apprentis, car la transmission des savoirs est une tradition. Mais les entreprises sont confrontées à un manque de visibilité, à des difficultés financières ou encore à un manque de temps pour recruter. Ces aides financières sont donc un levier important pour permettre aux entreprises d'embaucher et le BTP 77 est là pour leur faciliter les démarches.

La réforme du label RGE (Reconnu garant de l'environnement) et la lutte contre l'éco- délinquance sont-elles aussi des sujets majeurs pour vous ?

Oui, effectivement. Alors que ce label RGE est une marque essentielle de compétences et qu'il doit reposer sur la confiance, il pouvait faire l'objet de quelques critiques. Il doit également servir à lutter contre certaines pratiques frauduleuses (démarchage abusif, usurpation de la qualification RGE ou gonflement des prix). Le gouvernement a eu raison d'en durcir le niveau d'exigence pour renforcer sa crédibilité. Notre fédération a participé à ces travaux pour arriver à un résultat équilibré. Amélioré et renforcé, ce label reste un dispositif-clé pour garantir aux clients des travaux de qualité et permettre aux professionnels de pratiquer des tarifs légitimes. Le BTP 77 continue d'accompagner les entreprises sur ces sujets. Plusieurs mesures récentes ont également renforcé la lutte contre les entreprises “éco-délinquantes”, qui captent les aides publiques à la rénovation énergétique sans assurer la qualité requise. Outre le renforcement des audits de chantiers et la mise en place de procédures de signalement, le démarchage téléphonique pour des travaux d'éco-rénovation est interdit depuis le 1er septembre. Les contrevenants aux diverses règles risquent de lourdes amendes et/ou des suspensions.

Depuis le début de l'année, la crise sanitaire a déjà de graves répercussions sur l'activité (perte de 15 % en volume) et sur l'emploi (près de 21 000 suppressions de postes). Comment voyez-vous l'avenir à moyen terme ?

C'est maintenant que tout se joue et que nous avons besoin de mesures franches pour passer le trou d'air qui menace pour le début 2021, lorsque les carnets de commandes marqueront le pas et que les mesures “trésorerie” auront cessé de faire leurs effets. C'est pourquoi, à la FFB, nous proposons des mesures concrètes : une prolongation du dispositif “Pinel” jusque fin 2022, un rétablissement de la quotité de 40 % pour le PTZ (prêt à taux à zéro) en zones rurales et périurbaines, les zones “B2 et C”, un choc de simplification administrative concernant la délivrance des permis de construire et enfin porter de façon temporaire à 100 000 euros minimum les seuils pour les marchés publics de travaux délivrés sans publicité et mise en concurrence. Il n'y aura pas de relance sans le Bâtiment.

La force de BTP 77, c'est son réseau professionnel (2 000 adhérents). Est-ce un atout important durant cette période compliquée ?

Oui, incontestablement. L'ancienneté d'un réseau implanté sur tout le territoire de Seine-et-Marne est un soutien pour nos adhérents. Lors du premier confinement, plus de 2 500 demandes ont été traitées en deux mois et demi. Nos services sont à l'écoute des entreprises, qui ne doivent pas hésiter faire appel à eux, car il existe toujours des solutions. Mais le BTP 77 est là également pour représenter ses adhérents et assurer l'interface entre le terrain et les réseaux institutionnels. Cette mission prend tout son sens à l'heure actuelle. Ensemble on est plus fort !

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