Cette nouvelle édition, qui se déroulera du 22 au 25 juin dans le parc du château de Fontainebleau, accueillera une centaine d’artistes et une vingtaine de milliers de spectateurs. Créé en 1983, cet événement musical a su séduire locaux et amateurs de musique. De Samois-sur-Seine à Fontainebleau, en passant par le camping de Samoreau, bienvenue dans le “plus petit des grands festivals”…
Depuis quatre décennies, c’est un rendez-vous annuel qui parvient, de manière assez étonnante, à réunir dans un coin de Seine-et-Marne des Japonais, des Néo-Zélandais et des Suédois. À l’origine de ce “miracle“, un homme et un musicien hors pair : le guitariste de jazz manouche Django Reinhardt, auquel l’association “Les Amis de Samois” a décidé de rendre hommage en créant un festival à son nom.
Nous sommes alors en 1983 et le musicien s’est éteint 30 ans auparavant dans la ville de Samois-sur-Seine, y laissant une empreinte indélébile. On se souvient de ses allées régulières au café “Chez Fernand”, de sa passion pour le billard ou encore de ses parties de pêche à la ligne sur l’île du Berceau.
Une naissance improvisée
Mais il faut remonter à 1968 et à son célèbre mois de mai pour retrouver la trace d’un premier concert organisé à Samois-sur-Seine, en mémoire de Django Reinhardt, disparu 15 ans plus tôt. Jean-François Robinet, alors journaliste à l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), décide d’enregistrer une émission pour diffuser le concert.
L’ambiance est si exceptionnelle que la grève, prévue par les techniciens le jour même, est décalée d’une journée ! Si “Les Amis de Samois” va continuer de rendre des hommages ponctuels à l’artiste manouche, ce n’est donc véritablement qu’en 1983 que le festival prendra son envol, avec Jean-François Robinet aux manettes cette fois. Les éditions vont alors se succéder, d’abord sur les bords de Seine à Samois, puis dans le parc du château de Fontainebleau à partir de 2016.
2016, une édition mouvementée
Cette année-là, la Seine-et-Marne lutte contre les inondations. Impossible de conserver le festival à Samois, l’île du Berceau étant totalement submergée par les flots. Que faire ? Annuler l’événement ? Impensable pour Jean-Pierre Guyard, l’actuel président du festival : « cela aurait signifié sa fin. On avait signé tous les contrats. Financièrement, c’était compliqué ». Il fallait trouver une solution : ce sera le château de Fontainebleau.
« On avait de bonnes relations avec la ville. Son maire de l’époque, Frédéric Valletoux, est intervenu pour nous installer dans le parc », se remémore Jean-Pierre Guyard. En trois jours, le spectacle se réinvente totalement, dans un endroit qu’il continue d’investir depuis.
En effet, malgré l’attachement des festivaliers pour l’île du Berceau, il n’est plus possible d’utiliser ce site désormais classé Natura 2000 et dont la sécurité devient difficile à assurer face au succès croissant de l’événement. « Au début, les habitués regrettaient l’île avec son ambiance magique et ses péniches amarrées, mais finalement, tout le monde a su apprécier la beauté du parc de Fontainebleau et sa praticité », explique le président. D’autant que Samois n’a pas été oubliée : le 17 juin, le village a accueilli une soirée d’ouverture gratuite.
Visa express pour Gregory Porter
Toujours en 2016, outre les inondations, un autre problème de taille perturbe le festival. Il se situe à 4 760 kilomètres de la Seine-et-Marne, à Chicago précisément. Gregory Porter, auteur-compositeur lauréat de sept Grammy Awards et invité star, se retrouve bloqué à l’aéroport à la veille de son concert. La raison? Son passeport, bourré de visas, ne lui permet plus de rallier la France. Branle-bas de combat du côté de l’organisation. « On a dû négocier une partie de la nuit avec les douanes américaines. Il s’est passé des trucs très étonnants », sourit Jean-Pierre Guyard.
Comme devoir réveiller le sous-préfet de Fontainebleau à 2h du matin, afin qu’il débloque la situation avec les douanes françaises pour faire entrer l’artiste américain sur le territoire français. « Quand Grégory Porter est arrivé, il n’avait pas de vêtements. On a dû lui en trouver, ce qui n’était pas évident, car il mesure 1, 90 m et pèse une centaine de kilos ! », raconte avec humour le président du festival. La mission impossible sera finalement remplie. Une fois encore...
Les luthiers à l’honneur
Grégory Porter revient d’ailleurs cette année pour fêter le 70e anniversaire de la mort de Django Reinhardt. Il se produira aux côtés, entre autres, de Gogo Penguin, du contrebassiste Avishai Cohen, ou encore du trio formé par Thomas Dutronc, Stochelo Rosenberg et Rocky Gresset. Sans oublier, bien sûr, le retour très attendu de la reine Dee Dee Bridgewater. Plus de 100 artistes vont ainsi défiler sur les deux scènes durant quatre jours et quatre soirées, face à des milliers de spectateurs venus apprécier le jazz, la musique manouche, mais aussi faire des emplettes.
En effet, ce festival de musique est aussi connu pour son Village des Luthiers, un stand où des artisans venus des Pays-Bas, de Grèce, d’Allemagne, de Grande-Bretagne ou encore d’Italie vendent des guitares et présentent leur savoir-faire. Un lieu de rencontre où on peut assister à des “bœufs”, sessions improvisées entre festivaliers venus jauger leurs talents. Pour leur rendre hommage, le festival y a installé la “Scène des luthiers”, qui accueille des talents émergents dans la pure tradition du jazz manouche. Le lauréat se produira l’année suivante sur la grande scène.
Rendez-vous au camping
Au festival Django Reinhardt, on continue de jouer même quand il n’y a plus d’artistes sur scène ! En effet, à la fin des concerts, les festivaliers se retrouvent dans un autre endroit légendaire du coin : le camping de Samoreau, à cinq kilomètres de Fontainebleau. Le manque de place dans les alentours a fait de ce terrain “The place to be” (un endroit où il faut être). Les musiciens y jouent du swing manouche durant toute la nuit, avant de prendre quelques heures de repos. Mais il faut avoir de la chance pour pouvoir assister à ce spectacle d’un genre particulier. « Le camping est réservé jusqu’en 2027 ! », assure Jean-Pierre Guyard.
Un public de connaisseurs
Il faut dire que le festival doit sa popularité à une programmation autant artistique qu’éclectique : expositions de photos à la gare SNCF de Fontainebleau-Avon, ateliers d’initiation à la culture tzigane dans des collèges et lycées, “Jazz au Théâtre” (sorte de festival jumeau organisé au théâtre de Fontainebleau, en automne). Cerise sur le gâteau, cette année : le 18 juin, Sting, le célèbre chanteur britannique, s’est produit dans le parc du château de Fontainebleau dans le cadre FBLO Festival. Un concert exceptionnel organisé en association avec le festival Django Reinhardt.
Les fans de Sting reviendront quelques jours plus tard. Ils y croiseront sans doute les fidèles du festival comme cette femme de 85 ans, présente depuis la première édition officieuse en 1968, ou cet homme également âgé, ancien loueur de barques et qui a connu Django Reinhardt dans sa jeunesse. Animé par 250 bénévoles, ce festival réunit ainsi un public de connaisseurs, avide d’une programmation de qualité, et des habitants de la région venus profiter de l’ambiance, de la cantine, et faire des rencontres.
Au fil des années, ces inconnus sont devenus amis, amoureux et certains se sont même mariés ! De belles histoires qui font du festival Django Reinhardt un endroit « qu’on n’a jamais vu ailleurs » comme le résume joliment Jean-Pierre Guyard.
Le Programme
Jeudi 22 juin
Scène des Luthiers, 18 h 30 : Duved Dunayevsky. ScèneDjango, 19 h 30 : Edouard Pennes présente Génération Django (avec Sébastien Giniaux, Fanou Torracinta, Romain Vuillemin et Giacomo Smith) ; 20 h 45 : Gogo Penguin ; 22 h 30 : Gregory Porter.
Vendredi 23 juin
Scène des Luthiers, 18 h 30 : Dejan Krsmanovic Balkan Gyspy Jazz Quartet feat. Aurore Voilqué. Scène Django, 19 h 30 : Giacomo Smith & Mozes Rosenberg ; 20 h 45 : Avishai Cohen Trio ; 22 h 30 : Roberto Fonseca “La Gran Diversion“.
Samedi 24 juin
Scène des Luthiers, 13 h 30 : Graf Trio feat. Christiaan van Hemert & Cheyenne Graf ; 14 h 30 : Kussi Weiss ; 15 h 30 : Minor Sing ; 20 h 15 : Roby Lakatos & His Ensemble. Scène Django, 16 h 30 : Marius Apostol Quartet - Stradimarius ; 17 h 30 : Ludovic Louis ; 19 heures : Django 70 TH - Gipsy Symphonic Project Biréli Lagrène & friends avec l’Orchestre National d’Île-de-France ; 21 heures : Yuri Buenaventura & Roberto Fonseca ; 23 heures : Fatoumata Diawara.
Dimanche 25 juin
Scène des Luthiers : 13 h 30 : The Reinhardt Sinti Jazz Ensemble ; 14 h 30 : Steeve Laffont - Alba Gitana ; 15 h 30 : Martin Taylor & Ulf Wakenius ; 20 h 45 : Hamilton de Holanda Trio. Scène Django, 16 h 30 : Don Vink’s Parisien Quartet ; 17 h 30 : Hugh Coltman & Matthis Pascaud “Night Trippin“ (hommage à Dr. John) ; 19 h 45 : Thomas Dutronc - Stochelo Rosenberg - Rocky Gresset ; 21 h 45 : Dee Dee Bridgewater & The Amazing Keystone Big Band “We Love Ella“.
Tarifs
Pass un jour : 39 et 42 euros. Pass quatre jours : 110 euros. Gratuit pour les moins de 13 ans. Informations : www.festivaldjangoreinhardt.com. Tél. : 01 60 74 48 41.