Plus de 250 entreprises se créent par heure en France. Une dynamique qui touche aussi et surtout les jeunes, contraints et forcés par la conjoncture économique.
Ceci dit, la jeunesse fait preuve d'optimisme quant à son avenir professionnel et saisit les opportunités qui s'offrent à elle. Il y a aujourd'hui deux fois plus de créateurs potentiels chez les jeunes que chez la moyenne des Français.
Il s'agit bien d'un « terreau particulièrement fertile » selon François Hurel, président de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE), car on décompte près de 5 millions d'entrepreneurs potentiels chez les 18-30 ans, dont 1,5 million à court terme.
C'est pour confirmer cet élan que l'UAE a commandé un sondage à OpinionWay, dans le cadre de son observatoire de l'auto-entrepreneuriat, co-édité avec la Fondation Le Roch-Les Mousquetaires à l'occasion du Salon des Entrepreneurs. L'UAE s'est ainsi intéressé au regard que portent les jeunes sur le travail et leurs attentes en matière de politique à mener dans ce domaine.
Regard positif en situation difficile
Dans un contexte économique épineux, les jeunes affichent un regard paradoxalement très positif sur le travail : 80 % d'entre eux se déclarent satisfaits de leur situation professionnelle, tandis que 70 % s'estiment optimistes quant à la suite de leur parcours professionnel.
Pour les jeunes interrogés, le travail doit aujourd'hui remplir des aspirations plus personnelles, contribuer à l'épanouissement individuel et préserver un équilibre de vie. Ils accordent ainsi la même importance à l'épanouissement (44 %) qu'à la rémunération (45 %), juste devant l'équilibre vie privée/vie professionnelle (39 %), ce qui n'était pas le cas de leurs parents.
Seulement 27 % des jeunes recherchent la sécurité de l'emploi, qui arrive au même niveau que le contenu des missions (30 %) ou l'ambiance de travail (28 %). Leurs priorités évoluent donc et, même s'il reste un objectif pour la majorité des jeunes, le CDI n'a plus autant de succès, un jeune sur quatre déclarant être de moins en moins attiré par le CDI, voire pas du tout.
Dans leurs projections professionnelles également, la grande entreprise ne semble plus être le modèle unique d'employeur idéal pour 76 % d'entre eux. En tête des réponses, le projet « d'être son propre patron » fait presque jeu égal avec celui de « travailler dans une grande entreprise » (respectivement 22 % et 24 %). Viennent ensuite la PME (21 %), la start-up (11 %), le secteur public (10 %), la TPE (7 %) et l'associations ou l'ONG (5 %). Pour près de quatre jeunes sur 10 l'employeur idéal serait donc une petite entreprise (TPE, PME ou start-up).
La liberté et l'autonomie apparaissent enfin comme des motivations croissantes des jeunes qui citent, comme leviers d'épanouissement dans leur vie professionnelle, à 85 % l'évolution des modes de travail (coworking, télétravail, flex office, etc.), à 81 % la facilité de devenir travailleur indépendant au cours de son parcours et à 80 % la possibilité d'avoir plusieurs employeurs en même temps ou successivement.
Génération de « slashers »
« Les mentalités changent », explique François Hurel. La rupture des jeunes générations avec leurs aînés se manifeste en premier lieu dans leurs souhaits de parcours, puisqu'ils sont 60 % à envisager de se mettre à leur compte, de reprendre ou de créer une entreprise, soit deux fois plus que la totalité de la population, et un quart d'entre eux (26 %) compte passer à l'acte d'ici à deux ans.
Une volonté d'entreprendre qui se retrouve dans leur manière d'envisager leur parcours professionnel, où le travail indépendant a pris toute sa place et où le salariat n'est plus le modèle unique.
Les jeunes générations ont intégré le fait qu'ils exerceront plusieurs métiers sous différentes formes au long de leur carrière. Seuls 46 % envisagent cette dernière en tant que salarié uniquement, 54 % pensent se mettre un jour à leur compte, soit à titre exclusif (18 %), alternatif avec le salariat (11 %) ou cumulatif (25 %).
Travailler à son compte présente selon eux plusieurs avantages : l'autonomie, la liberté dans les méthodes de travail, l'organisation des horaires, le choix des missions ou enfin une source d'épanouissement personnel. À l'inverse, ils reprochent au salariat la monotonie et la mono-activité, le fait de travailler pour un projet qui n'est pas le sien et de ne pas choisir ses missions et le système hiérarchique.
La création d'entreprise est donc une réponse à des aspirations personnelles mais aussi un moyen de contourner les failles du système.
La volonté de se mettre à son compte signifie peut-être une appréhension du marché du travail salarié, liée à la peur du chômage. Interrogés sur la valeur du CDI, les jeunes laissent ainsi transparaître son caractère inaccessible : 81 % jugent qu'il est difficile à atteindre, voire très difficile pour 23 % d'entre eux.
Nécessité de réformer la formation et le statut social des indépendants
Les jeunes portent un regard réaliste sur la création d'entreprise et sont conscients des freins qui peuvent entraver leur route : les risques financiers (52 %), l'incertitude sur le revenu (46 %), le manque de couverture sociale – droit au chômage, indemnités journalières pour une maladie ou un accident – (37 %), la lourdeur administrative (29 %), le fait d'être perçu comme n'ayant pas une situation stable – difficulté pour louer un logement, obtenir un crédit, ouvrir un compte bancaire – (28 %).
Des mesures politiques innovantes pourraient permettre de lever ces freins : 81 % des jeunes souhaitent une indemnisation des indépendants en cas de perte subite d'activité, ainsi qu'une convergence de la protection sociale avec celle des salariés. Viennent ensuite le rapprochement entre les systèmes de retraite des indépendants et des salariés pour 77 %, la portabilité des droits sociaux au même titre que les salariés et l'accès au futur compte personnel d'activité pour 76 %, enfin l'augmentation des plafonds de chiffre d'affaires du régime de l'auto-entrepreneur pour 70 %.
C'est sur leur préparation à intégrer le monde du travail que les jeunes se montrent les plus sévères : 55 % considèrent que le système éducatif ne les forme pas correctement pour s'adapter à l'évolution des activités (mécanisation, nouveaux outils, nouveaux enjeux numériques…), 67 % qu'il prépare mal à intégrer le marché du travail et 79 % qu'il prépare mal à se lancer dans l'entrepreneuriat ou à son propre compte.
La réforme du système éducatif vers une meilleure préparation au marché du travail est d'ailleurs leur première attente pour améliorer l'emploi des jeunes. Viennent ensuite une diminution des charges, spécifiquement pour les jeunes, l'adoption d'un contrat unique dans lequel se fondraient les CDD et CDI, une meilleure équité des droits sociaux entre travailleurs indépendants et travailleurs salariés, un droit du travail plus flexible et des emplois aidés.
Pour Bénédicte Sanson, déléguée générale du Moovjee (Mouvement des jeunes entrepreneurs) « la dynamique présentée par le sondage confirme les études menées par le Moovjee depuis plusieurs années sur les raisons qui poussent la jeune génération à entreprendre, telles que le fait de devenir son propre patron ou la possibilité d'appliquer ses méthodes de travail. Pour accompagner au mieux ces entrepreneurs, nous devons leur proposer les outils pour développer leur activité ».
Cette association entend donner les clés aux entrepreneurs et futurs entrepreneurs grâce à ses publications comme le tome III de #Paroles de jeunes entrepreneurs ou l'ouvrage Jeunes, créez votre entreprise, co-écrit avec Vincent Redrado en septembre 2015.
Le Moovjee a ainsi porté le débat de clôture du Salon des Entrepreneurs intitulé « Jeunes entrepreneurs : créez votre entreprise ! » Aides, conseils et témoignages avec les interventions de sa déléguée générale et de jeunes chefs d'entreprise suivis par l'association. Cette année, le salon a accueilli plus de 60 000 visiteurs dont de nombreux jeunes dirigeants et entrepreneurs en devenir. La création d'entreprise n'a jamais été aussi dynamique.
Le travail, paroles de jeunes
Dans le prolongement de ce sondage, l'UAE a mené avec le soutien de la Fondation Le Roch Les Mousquetaires une étude qualitative sur le regard que portent les jeunes sur le travail.
S'appuyant sur une vingtaine d'entretiens d'une heure auprès de jeunes d'horizons différents (salariés, créateurs, start-uppers, chômeurs, diplômés et non diplômés, auto-entrepreneurs, collaborateur de plateformes numériques...), elle restitue de manière fidèle leur parole sous formes de verbatim autour de 7 grandes thématiques :
- Le Travail, c'est quoi ?
- Les valeurs qu'associent les jeunes au travail
- Génération « instabilité » : un choix ?
- Du chômage au CDI, les réalités du travail
- Le désenchantement du travail
- L'entreprise d'hier, d'aujourd'hui et de demain
- Travail indépendant versus travail salarié. Opposition, complémentarité ou rapprochement
- Parcours contre carrières
- Le collaboratif et la plateforme. Pratiques et limites