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Journée internationale des droits des femmes

À Mitry-Mory, la lutte inlassable contre les violences faites aux femmes

Depuis 2009, la Maison des droits des femmes et de l’égalité Dulcie September accueille et accompagne les femmes victimes de toute forme de violence. Un engagement sans faille de la municipalité de Mitry-Mory.
Journée internationale des droits des femmes
© MSM - Journée internationale des droits des femmes

ActualitéSociété Publié le , Maud-Alexia Faivre

« La Maison des droits des femmes, c’est un service de la ville de Mitry-Mory. Elle a pour objectif de promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes. Le constat est alarmant, car il y a des inégalités dans tous les domaines ». Directrice depuis 2019 de ce lieu portant le nom de Dulcie September (militante anti-apartheid sud-africaine assassinée à Paris, en 1988), Nora Mesbah plante le décor. Celle-ci travaille sans relâche pour faire de cet endroit un sanctuaire où les victimes peuvent trouver un refuge et bénéficier d’une écoute. Un endroit également où on les aide aussi à remplir un document de la Caisse des allocations familiales (Caf), à résoudre des problèmes psychologiques ou à rechercher un emploi. La Maison des droits des femmes et de l’égalité de Mitry-Mory, c’est tout cela à la fois. Une action partagée sous le même toit, avec l’antenne seine-et-marnaise de l’association Femmes Solidaires et soutenue par Dorothée Topalovic, élue municipale chargée de l’égalité et des droits des femmes.

© DR - Directrice de la Maison des droits des femmes, Nora Mesbah (à gauche) peut compter
sur le soutien de Dorothée Topalovic, élue à la mairie de Mitry-Mory.

Soutien matériel et humain

C’est un vrai travail de fourmi que réalise depuis plusieurs années cette commune d’à peine 20 000 habitants, située près des pistes de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. En 2018, un observatoire local des violences faites aux femmes a ainsi été créé, rassemblant des représentants de la police, de la justice et du tissu associatif. « On se réunit une ou deux fois par an. L’idée est de dresser l’état des lieux des violences et de proposer des solutions », explique Nora Mesbah. Un annuaire, répertoriant les différents référents et acteurs, est disponible. Cette institution a pour but « d’observer pour mieux connaître la réalité des phénomènes de violence, d’innover et de fluidifier les échanges entre les différents acteurs », toujours selon la directrice de la Maison Dulcie September.

L’élaboration d’un diagnostic partagé et la création d’un réseau de professionnels (justice, santé, emploi, logement…) constituent également de précieux outils, tout comme les boutons d’appel, dispositif innovant mis en place par la municipalité. « Nous avons fait l’acquisition de cinq boutons d’appel que l’on distribue aux femmes qui ne possèdent pas le téléphone danger (relié à un commissariat de police). C’est un bouton clipsé à la bretelle du soutien-gorge et sur lequel on peut préenregistrer cinq numéros de téléphone de proches. Une pression permet d’envoyer un SMS et deux pressions géolocalisent une personne se trouvant en présence d’un conjoint violent », précise Dorothée Topalovic. Enfin, des ateliers et des sorties sont organisés pour échapper momentanément à ce climat pesant. Ainsi, en mai 2022, une vingtaine de mères et leurs enfants a séjourné à La Faute-sur-Mer (Vendée), le temps d’un week-end prolongé.

Des logements à disposition

Une quarantaine de femmes est suivie actuellement par l’établissement, mais seulement une douzaine a fait une demande de logement. Pour le moment, un seul logement d’urgence est disponible et sera occupé à partir du 9 mars sous couvert d’anonymat. Des logements communaux sont toutefois disponibles et une douzaine de femmes a été relogées au cours des trois dernières années après être passées devant une commission regroupant des élus et des travailleurs sociaux. « On est encore dans l’expérimentation. Cet immeuble est sécurisé avec deux portails et un interphone », indique Nora Mesbah, dont l’objectif est de travailler avec des bailleurs sociaux. « C’est une vraie volonté politique avec une prise en charge du budget à 95 % via les services municipaux concernés », ajoute Dorothée Topalovic. Un autre dispositif (des bons taxi) a vu le jour sur le modèle de l’observatoire de la Seine-Saint-Denis. Il s’agit de bons de transport attribués aux victimes de violences qui ont besoin de se rendre dans des lieux identifiés comme le tribunal judiciaire de Meaux, les unités médico-judiciaires ou un logement d’urgence. « Les six premiers mois, nous n’avons reçu qu’une demande, mais depuis, les différents organismes s’en saisissent très bien », souligne la directrice de la Maison des droits des femmes.

Parfois, l’accompagnement d’une femme s’interrompt, car celle-ci est parvenue à se reconstruire ailleurs. « Au début, c’était un peu frustrant, car on les accompagne presque quotidiennement et puis plus rien! Je leur envoie quand même un message pour m’assurer que tout va bien, mais tout ce que ces femmes souhaitent vraiment, c’est de pouvoir tourner définitivement la page », souligne Nora Mesbah.

Prévention dans les collèges

L’éducation à l’égalité est également une mission prioritaire. « J’interviens dans les deux collèges de la ville, sur l’ensemble des classes de troisième. Depuis environ quatre ans, nous avons mis en place des projets comme des concours d’affiches et d’éloquence pour aborder cette question sous un angle différent », confie la responsable de la Maison Dulcie September. Celle-ci constate toutefois un net recul des mentalités, malgré une vraie demande, notamment des jeunes filles : « Certains garçons estiment que les filles ont tendance à se victimiser. Ces réactions m’ont un peu refroidie, mais j’arrive avec les chiffres des ministères de la Justice et de l’Intérieur. Je leur dis que si 5 à 8 % des plaintes reposent effectivement sur des mensonges, 92 à 95 % sont vraies. Il leur est alors difficile d’avancer des arguments, même si certains ont toujours une explication. » Finalement, au bout des deux heures d’intervention, certains préjugés parviennent à être démontés, même s’il est difficile de tout reprendre à zéro.

Toujours dans le cadre de ce dispositif, des notions autour du sexisme ordinaire et des violences conjugales sont également débattues. Pour aider les élèves à saisir cette réalité, un “violentomètre“, évaluant les relations au sein d’un couple (des plus saines aux plus violentes), leur est présenté. Une classe “Égalité” a aussi vu le jour au collège Éric Satie. Les élèves participent à un projet principalement artistique qui sera présenté à la fin de l’année scolaire. Par ailleurs, une pièce de théâtre a été présentée au lycée Balzac le 25 novembre dernier, dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Vu le succès enregistré, l’expérience va être renouvelée durant ce printemps.

Un mois de mars animé

Enfin, durant tout ce mois de mars, plusieurs manifestations vont se dérouler à Mitry-Mory : une marche agrémentée de stands, une pièce de Molière, une rencontre sportive avec des membres de l’équipe nationale féminine de handball afghane (réfugiés actuellement dans la commune), une conférence sur le droit des femmes et des projections cinématographiques réservées aux enfants. À la Maison des droits des femmes et de l’égalité Dulcie September de Mitry-Mory, la lutte et le combat se poursuivent à tous les étages. Inlassablement.


« Nous n’avons pas droit à la médiocrité »
Colette Mélot, sénatrice (LIRT) de Seine-et-Marne depuis 2004

« Être une femme engagée, c’est avoir des convictions et les faire vivre. Il faut continuer à se battre pour que la parole des femmes soit entendue. Le Sénat s’est beaucoup féminisé, grâce à la loi sur la parité. S’il n’y avait pas eu cette réforme, je suis intimement persuadée qu’ils seraient restés entre hommes. En 20 ans, nous sommes passées de 50 à 122 femmes pour 348 sièges. Ce changement des mentalités se traduit par la place de femmes dans les fonctions exécutives, aussi bien au bureau qu’au sein des commissions du Sénat. Cela a été une avancée importante. Il y a aussi quelques présidentes de commissions. Entre 2014 et 2017, j’ai été secrétaire du bureau. J’étais la seule femme du groupe des Républicains (parti majoritaire au Sénat) pour six hommes, je crois. Les hommes exercent des fonctions de façon plus ou moins performante sans être remis en question, alors que nous, les femmes, on doit toujours faire nos preuves. Nous n’avons pas droit à la médiocrité. »


« Être magistrate est aussi une forme d’engagement »
Fanny Lainé, présidente du tribunal judiciaire de Fontainebleau

« On n’arrive pas dans la magistrature sans avoir la vocation pour le service public. Être magistrat et occuper des responsabilités est aussi une forme d’engagement. Mais si la profession s’est largement féminisée (66% des magistrats sont des femmes), il y a encore une disproportion aux postes hiérarchiques. C’est probablement dû à de l’auto-censure, mais il y a aussi des freins organisationnels, car c’est un métier où la charge de travail est très importante et impacte la vie personnelle et familiale. Et puis, on enseigne plus aux petits garçons à tenir un rôle de chef, alors que les petites filles, en grandissant, ne vont pas se sentir en mesure d’assurer une telle charge. Cela fait des années qu’on nous dit que c’est formidable d’avoir un corps aussi féminisé que le nôtre, mais avec des promotions féminines à 70 %, on va forcément être confronté à la question du congé maternité. Il est donc fondamental d’avoir davantage de moyens, car les collègues qui prennent ce congé culpabilisent et développent une charge mentale sous-jacente. »


« Rien n’est impossible »
Margaux Bréjo, golfeuse de haut niveau à Fontainebleau

« Une femme engagée fait tout pour montrer que rien n’est impossible. Nous aussi, on peut marquer les esprits par notre histoire et notre palmarès. Nous n’avons peut-être pas les mêmes capacités et les mêmes atouts que les hommes, mais nous pouvons arriver au même sommet. Avoir de la crédibilité avec mes résultats (3e en 2022 au Mondial réservé aux joueurs et joueuses sourds), ça impose. Dans ma catégorie d’âge, il n’y a pas de golfeur sourd champion du monde ou médaillé olympique. Je suis un cas exceptionnel. J’ai toujours vu mon handicap comme une force. Il a fallu que je m’adapte et cela m’a permis de trouver les ressources nécessaires en moi pour évoluer au plus haut niveau. Je suis sur le circuit fédéral de golf avec les valides et je montre que je suis aussi capable de faire les mêmes choses que tout le monde. Il faut de la détermination. J’ai la niaque : sur un parcours, je vais toujours chercher la première place et rien d’autre. »


« Je ne renonce jamais »
Nouara Mobarek, cheffe du pôle psychiatrique au Groupe hospitalier Sud Île-de-France à Melun

« La France est un des pays où les droits des femmes sont les mieux respectés, mais il reste encore du chemin. Il faut s’affranchir de certaines règles sociales pour entreprendre des carrières briguées traditionnellement par les hommes. La notion de responsabilité, naturellement masculine, perdure dans l’inconscient collectif, car on l’estime innée chez un homme. Le sentiment de culpabilisation, chez la femme, demeure institutionnalisé. Mais on ne devrait pas avoir à choisir entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Je suis responsable du pôle psychiatrique depuis sept ans, mais je veux être aussi reconnue comme mère de famille (elle a cinq enfants). Pour moi, le féminisme se situe là. Avoir des responsabilités est arrivé un peu par hasard. J’avais de l’ambition, mais je n’étais pas ambitieuse. Mes collègues masculins m’ont soutenue et j’ai été agréablement surprise par cette reconnaissance. L’égalité de traitement est essentielle, car la barre est toujours plus haute pour une femme, notamment dans le secteur de la santé. Mais j’ai les capacités pour fédérer et être à l’écoute sans faire preuve d’autoritarisme. Je ne renonce jamais ».

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