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AFJE, décollage pour le numérique

Le juriste 4.0 ou le juriste de demain : quels défis et opportunités ? C'était la problématique du colloque de l'AFJE organisé dans la foulée de sa 46e assemblée générale. Après la musique, le cinéma et la téléphonie, le monde du droit se trouve à une époque charnière. Auparavant décrits comme des « rats de bibliothèque », les juristes exercent aujourd'hui un rôle d'envergure au sein de leurs entreprises. Comment les aider à développer leur valeur ajoutée ? C'est le rôle du numérique : leur permettre d'automatiser les tâches standards. Avec le risque, qu'un jour, l‘homme soit dépassé par la machine. Retour vers ce colloque du futur juriste d'entreprise.
AFJE, décollage pour le numérique
AP

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A l’heure où certains parlementaires voudraient instaurer une sorte de « permis de conduire du numérique » les juristes, eux, y vont tout schuss. « Je suis heureux de vous accueillir, juristes et avocats au sein de ma maison. » Frank Gentin, président du tribunal de commerce de Paris n’a pas l’air de bouder son plaisir. Juché sur l’estrade, il accueille les centaines de juristes pressés d’entrer dans l’ère 4.0 de leur profession.

S’il ne s’agit pas du premier colloque de l’AFJE consacré au numérique, celui-ci esquisse précisément ce qui attend la profession pour les années 2020 et au-delà. Automatisation, robot, intelligence artificielle, standardisation, voici les mots du futur. « C’est très important de sensibiliser la profession », confie un directeur juridique présent dans la salle ce jour-là, « les juristes qui ont fait leurs études il y a vingt ans ont dû totalement changer leurs habitudes de travail. Avant, on allait à la bibliothèque pour emprunter des dizaines de livres. Aujourd’hui, toutes ces informations tiennent dans le creux de la main ».

Christophe Roquilly

Le tsunami du numérique déferle sur l’îlot du droit et les digues ont sauté

« Le juriste de demain sera, sans doute, un geek » affirme Christophe Roquilly, doyen du corps professoral de l’EDHEC. S’il ne l’est pas encore tout à fait, il tend à le devenir. « On nous demande de faire davantage avec moins de personnel. Les nouveaux outils nous sont indispensables », confie Marie Abadie, directrice juridique de Microsoft France. Certaines tâches sont désormais automatisées, d’autres sont en passe de l’être.

C’est un fait, le tsunami numérique déferle sur l’îlot du droit et les digues ont sauté. « Ne commettez pas les mêmes erreurs que l’industrie du disque au tournant des années 2000 », leur dit Xavier Hubert, conseiller juridique d’Emmanuel Macron. « Je me souviens du PDG d’une major en 1999 qui m’affirmait que les gens n’iraient jamais sur internet pour écouter de la musique ou regarder des films. » L’anecdote provoque l’hilarité dans la salle. « Si certains pensent que la déontologie des avocats les protégera du monde extérieur, ils se trompent lourdement. Allez au-devant du changement plutôt que de le subir. »

Frédéric Pelouze, Xavier Hubert et Kami Haeri

« Une vision de la déon tologie trop restrictive », Xavier Hubert

Xavier Hubert regrette qu’aucune des legal start-up à succès n’ait été fondée et dirigée par un avocat en exercice. « La vision de cette déontologie est trop restrictive, impossibilité d’effectuer des levées de fond, d’avoir une activité commerciale. » Le conseiller au costume troispièces encourage les avocats à envahir l’internet « accompagnés par leur déontologie ».

Par ailleurs, Xavier Hubert est revenu sur la création d’une identité et d’un coffre-fort numériques, ainsi que sur le développement de la force probante des actes dématérialisés. Il n’a cependant pas précisé le calendrier du texte, ni si ce dernier serait fusionné avec le projet de loi de Myriam El Khomri sur la réforme du code du travail.

Un coffre-fort numérique dont bénéficieront peut-être aussi les legal start-up de Frédéric Pelouze, co-fondateur Weclaim, et de Philippe Wagner, co-fondateur de Captain Contrat, invités de ce colloque. Ils sont les représentants de ces entreprises du droit à succès. Elles sont parfois décriées par les instances de la profession d’avocat, inquiètes de voir certaines parts de marché s’envoler.

« La question n’est pas de savoir si nous prenons des parts de marché aux cabinets mais de savoir qui répond au besoin des clients. Par ailleurs, nous faisons travailler des avocats », explique Philippe Wagner, ancien élève d’HEC Paris. Ces entreprises ont construit leur succès grâce à des logiciels et des algorithmes. « Mais derrière toute cette technologie, il y a des humains. On permet aux personnes qui travaillent derrière de se concentrer sur leur plus-value intellectuelle », rappelle Frédéric Pelouze.

« Nous sommes sur un marché », Kami Haeri, avocat

« On peut émettre toutes les critiques du monde contre un site comme DemandezJustice.com, mais leur succès est phénoménal, de zéro euro de chiffre d’affaires en 2012, ils sont passés à 30 millions d’euros en 2015. Cela en dit long sur les attentes des consommateurs du droit », assène Xavier Hubert.

Le mot est lâché : consommateur. « Oui, nous sommes sur un marché », reconnaît Kami Haeri, avocat associé chez August et Debouzy. « I l s’agit d’une réalité à laquelle nous devons faire face, même si ce n’est pas notre éducation. Le petit confort d’antan n’a plus lieu d’être. Nos clients ont d’autres attentes, en matière de communication et de tarification. »

Parmi ces clients, on compte de nombreuses directions juridiques, comme le précise la présidente de l’AFJE, Stéphanie Fougou. « Nous n’acceptons plus de rémunérer des cabinets d’avocats pour des tâches pouvant être automatisées. »

Philippe Wagner, co-fondateur de Captain Contrat

« Les petits avocats peuvent-ils disparaître comme l’affirme RichardSusskind » Guillaume Deroubaix

Le progrès technologique et l’humain dévalent les pistes d’un avenir radieux. Une vision idyllique qui n’est pas partagée de tous. D’après Guillaume Deroubaix, directeur de l’innovation éditoriale chez LexisNexis, « Les petits avocats peuvent-ils disparaître comme l’affirme RichardSusskind ». La faute à qui ? Au robot bien sûr. Une prédiction balayée par Xavier Hubert, conseiller juridique d’Emmanuel Macron : « le robot ne repose que sur le droit constant. Or, le juriste et l’avocat font évoluer le droit. »

« Pour survivre, nous devons aborder les sujets tabous » Kami Haeri

Cependant, tous les intervenants s’accordent sur l’abandon, petit à petit, des tâches les plus rébarbatives, pour se concentrer sur la valeur ajoutée du juriste ou de l’avocat. Guillaume Deroubaix est formel : « Plus vous développerez votre créativité, plus vous serez protégés. » Le co-fondateur de WeClaim, Frédéric Pelouze renchérit : « Nous devons effectuer une veille technologique. Les logiciels d’aide à la décision nous permettront d’aller plus vite avec une fiabilité inégalée à ce jour ».

Le juriste devra s’appuyer sur la technologie pour exploiter pleinement son propre potentiel. Mais c’est la coopération entre les différentes professions du droit qui préservera nos avocats et juristes du tout numérique. C’est en tout cas la conviction de l’avocat Kami Haeri qui n’hésite pas à faire parler sa culture cinématographique pour illustrer son propos. « Je pense au film Predator avec Arnold Schwarzenegger. I l est chargé de poursuivre une bête redoutable car invisible. On peut la comparer à nos professions du droit. Mais au bout d’un moment, il trouve du sang sur une feuille d’arbre et s’écrie alors, ‘on peut la tuer’ ! »

L’avocat met en garde : « nous ne sommes pas invincibles et nous devons aborder certains sujets sans tabous afin de trouver des solutions pour faire évoluer nos métiers de juristes sans tarder si nous voulons survivre ».

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