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Christophe Hillairet : « Les agriculteurs veulent vivre de leur métier »

Président de la Chambre d’agriculture de région-Île-de-France depuis 2006, Christophe Hillairet, 52 ans, évoque le Salon international de l’agriculture, qui se déroule à Paris du 25 février au 5 mars, mais aussi les difficultés du monde agricole.
Christophe Hillairet préside la Chambre d'agriculture de région-Île-de-France depuis 2006.
DR - Christophe Hillairet préside la Chambre d'agriculture de région-Île-de-France depuis 2006.

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Christophe Hillairet ne gère pas que les dossiers de la Chambre d’agriculture de région-Île-de-France. C’est aussi un homme de la terre qui exploite une ferme de 215 hectares à Ablis, dans le sud des Yvelines). Il y produit notamment des céréales et du sorgho, tandis que l’apiculture et la méthanisation sont ses autres spécialités.

Qu'attendez-vous de cette nouvelle édition du Salon international de l’agriculture ?

Qu'on soit enfin entendus, car on reçoit des injonctions contradictoires en permanence. On nous demande de produire mieux, mais moins, c’est compliqué. Le consommateur-citoyen veut des produits de très bonne qualité, mais pas chers. Dans le même temps, on importe des produits non normés comme des OGM du Brésil ou des blés traités au DDT, qui est interdit en France depuis 20 ans. D’accord pour produire le plus proprement possible, mais les agriculteurs veulent vivre de leur métier.

Quels sont les enjeux de l’agriculture en Île-de-France ?

La question du renouvellement des générations va se poser, car environ 50 % des agriculteurs ont actuellement plus de 55 ans. Accueillir et aider des jeunes qui vont vouloir s'installer est une nécessité. Mais pour cela, il faut arrêter les politiques de gribouille comme avec le bio. En Île-de-France, il y a 500 hectares de déconversion bio, car la production ne se vend pas. Faire croire que le bio sera moins cher ou au même prix que l'agriculture conventionnelle est une utopie. Ok quand vous êtes un “bobo“ parisien, mais pas quand vous vivez dans une HLM à Sarcelles ou à Bobigny. La relance de l'élevage et l’économie du foncier sont les autres enjeux. On consomme énormément de terre pour l'urbanisation et le développement économique, mais ce sont autant de potentialités nourricières qui disparaissent.

Comment se porte l'agriculture seine-et-marnaise ?

Elle est plutôt dynamique avec sa production céréalière et industrielle. Ce département a la chance de posséder encore deux sucreries. Elles sont précieuses comme on l’a vu au moment de la crise sanitaire avec la production de gel hydroalcoolique. C’est aussi le premier département francilien en nombre d'éleveurs et en production laitière, notamment avec des productions emblématiques comme le Brie de Meaux ou celui de Melun. Mais si nos sucreries disparaissent, ces fromages n’auront plus le label Appellation d’origine protégée (AOP).

Justement, que pensez-vous de la récente interdiction des néonicotinoïdes ?

On est extrêmement inquiets sur le devenir industriel de la betterave. 20 à 25 % des planteurs désirent arrêter la production. Napoléon avait réussi à imposer la betterave en France et Macron va la faire disparaître ! C’est dramatique.

Il est question de compensations financières…

Le droit européen les interdit. Je ne suis pas un pro-néonicotinoïdes, mais il aurait été plus judicieux de mettre de l'argent sur la recherche pour trouver des solutions génétiques et permettre à la betterave de résister à la jaunisse. Les Hongrois, les Polonais, les Espagnols et d’autres vont continuer avec les néonicotinoïdes. Pendant que la moitié de l'Europe fait un bras d'honneur aux directives européennes, nous, on reste le petit doigt sur la couture du pantalon. Ce n’est pas grave, on importera le sucre de ces pays-là…

Comment gérez-vous la crise énergétique ?

C’est très compliqué. Moi, j’ai besoin d'énergie pour la fabrication d’engrais, mais ils proviennent de Biélorussie et de Russie à 80 %. Je ne vous fais pas de dessin. Pour mon méthaniseur, j’avais tablé sur une facture d'électricité de 80 000 euros, mais je suis à 320 000 euros à l’année ! Cela vous donne une idée de ce qu'on vit.

Où en est l’épidémie de grippe aviaire ?

La situation est très limite. Pour l’instant, on a un nombre important de foyers dans la région. Ce sont des oiseaux retrouvés morts sur des lacs. Mais il suffirait qu'un oiseau migrateur contaminé dépose une fiente au-dessus de Paris et on aurait la moitié des pigeons parisiens décimés. Des mesures de biosécurité sont indispensables, mais nos outils ne sont pas adaptés. Personne ne le dit, mais l’an passé, cette crise a coûté 1, 2 milliards d’euros en indemnisations avec des centaines de milliers de canards et de poules abattus.

Le stockage de carbone peut-il être un remède au réchauffement climatique ?

C’est clairement l’avenir, car on est le seul puits de carbone naturel. Si les agriculteurs peuvent faire évoluer leurs pratiques et se faire rémunérer, c’est positif. On a intérêt à endiguer le changement climatique, car nous sommes les premiers impactés. Les diagnostics ont été homologués par le ministère de la Transition écologique Ce n'est plus qu'une question de semaines.

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