AccueilDroit & chiffreEtat d'urgence : le Conseil constitutionnel censure les saisies informatiques

Etat d'urgence : le Conseil constitutionnel censure les saisies informatiques

Si le Conseil constitutionnel a validé le principe des perquisitions administratives dans le cadre de l'état d'urgence dans une QPC rendue le 19 février, il a toutefois censuré la possibilité de copier des données informatiques dans le cadre de ces perquisitions.
J-L Debré, R.Denoix de Saint Marc, G.Canivet, M.Charasse, C.Bazy Malaurie, N.Maestracci, N.Belloubet, L.Jospin, JJ.Hyest
© Conseil constitutionnel - J-L Debré, R.Denoix de Saint Marc, G.Canivet, M.Charasse, C.Bazy Malaurie, N.Maestracci, N.Belloubet, L.Jospin, JJ.Hyest

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Le Conseil constitutionnel (encore présidé pour peu de temps par Jean-Louis Debré) a été saisi le 18 janvier 2016 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la Ligue des droits de l'Homme, défendue par Maître Patrice Spinosi, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier paragraphe de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

Ces dispositions permettent à l'autorité administrative, lorsque l'état d'urgence a été déclaré, d'ordonner des perquisitions et de copier des données stockées dans un système informatique auxquelles les perquisitions donnent accès.

Validation des perquisitions administratives sous l’état d’urgence

S'agissant des dispositions permettant les perquisitions, le Conseil constitutionnel a d'abord jugé qu'elles relèvent de la seule police administrative et qu'elles n'affectent pas la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution, pour en déduire qu'elles n'ont pas à être placées sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire.

Le Conseil constitutionnel s'est ensuite prononcé sur l'atteinte portée par les dispositions contestées à la vie privée et au droit à un recours juridictionnel effectif. Il juge que la décision ordonnant une perquisition sur le fondement des dispositions contestées doit être justifiée et proportionnée aux raisons ayant motivé la mesure dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. En particulier, une perquisition se déroulant la nuit dans un domicile doit être justifiée par l'urgence ou l'impossibilité de l'effectuer le jour. Par ailleurs, si les voies de recours prévues à l'encontre d'une décision ordonnant une perquisition sur le fondement des dispositions contestées ne peuvent être mises en œuvre que postérieurement à l'intervention de la mesure, elles permettent à l'intéressé d'engager la responsabilité de l'État. Ainsi les personnes intéressées ne sont pas privées de voies de recours.
S'agissant d'une mesure s'inscrivant dans un régime de pouvoirs exceptionnels dont les effets doivent être limités dans le temps et l'espace et qui contribue à prévenir le péril imminent ou les conséquences de la calamité publique auxquels le pays est exposé, le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions contestées permettant les perquisitions administratives conformes à la Constitution.

Censure des saisies informatiques sous l’état d’urgence

S'agissant des dispositions qui permettent à l'autorité administrative de copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d'accéder au cours de la perquisition, le Conseil constitutionnel a relevé que cette mesure est assimilable à une saisie. Ni cette saisie ni l'exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l'occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s'y oppose et alors même qu'aucune infraction n'est constatée. Au demeurant peuvent être copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition.

Le Conseil constitutionnel a jugé que, ce faisant, le législateur n'a pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et le droit au respect de la vie privée. Il a, par suite, jugé contraires à la Constitution les dispositions de la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955. Il a donc censuré les dispositions de ce paragraphe qui permettaient de copier des données informatiques dans le cadre de ces perquisitions.

En conclusion, les sages (bientôt présidés par Laurent Fabius) estiment que la copie des données informatiques sans décision judiciaire est contraire à la Constitution et au droit français.

Etat d'urgence rime avec sécurité mais pas impunité

« Cela démontre la légitimité de notre action, même si les victoires sont à la marge », a expliqué l’avocat aux Conseils Patrice Spinosi à nos confrères du Monde.

A l’instar de nombreux défenseurs des droits, l’association la Quadrature du Net (aussi défendue par Me Spinosi) salue cette décision des sages et appelle le gouvernement français à remettre au centre du processus le juge judiciaire.

« Députés et sénateurs auront à être très attentifs aux futures lois qui viendront répondre à cette censure partielle, et à oser donner un cadre protecteur aux mesures d'intrusion dans la vie privée. Nous appelons également les personnes qui ont été visées par ces perquisitions informatiques inconstitutionnelles à faire valoir leurs droits devant la justice. Il est fondamental que l'état d'urgence ne puisse être le règne de l'impunité », souligne Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net.

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