AccueilDroit & chiffreExit le bureau secondaire d'avocats installé dans une entreprise… À quand l'avocat en entreprise ?

Exit le bureau secondaire d'avocats installé dans une entreprise… À quand l'avocat en entreprise ?

Le 29 janvier dernier, le Conseil d'État a annulé la décision à caractère normatif de juillet 2016 du Conseil national des barreaux, autorisant l'avocat à domicilier de façon permanente et effective une partie de son activité dans les locaux d'une entreprise, qui peut d'ailleurs être sa cliente.
Exit le bureau secondaire d'avocats installé dans une entreprise… À quand l'avocat en entreprise ?

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« (…) Le Conseil d'État a annulé la décision du Conseil national des barreaux (…) au motif notamment que celui-ci n'était pas compétent pour l'adopter. Il sanctuarise avec cet arrêt l'indépendance et le secret professionnel », a déclaré, dans un communiqué, la Conférence des bâtonniers, à l'origine de ce recours.
Le CNB souhaitait régler avec ce bureau secondaire la pratique de l'avocat en entreprise. Une possibilité qui n'était utilisée par aucun avocat, désormais annulée. Tout est à refaire.

Le pouvoir normatif du CNB

Avec ce bureau secondaire, le CNB souhaitait régler la pratique de l'avocat en entreprise et montrer qu'être dans l'entreprise était possible, sans créer un statut spécifique d'avocat en entreprise. Cette possibilité, qui n'a rencontré aucun succès est désormais caduque et ce pour plusieurs raisons. Dans sa décision, le Conseil d'État constate que le CNB a inventé une modalité d'exercice. Or celui-ci ne peut poser de prescriptions nouvelles. « Il peut détailler la loi et le décret » souligne Bernard Lamon, avocat, Nouveau Monde Avocats et co-auteur du rapport sur le futur de l'avocat.
Et il ne doit qu'unifier les règles et les usages antérieurs de la profession d'avocat. Ceci toujours en restant dans la limite des principes essentiels. Est-ce une première ? » Non, le Conseil d'État n'a fait que rappeler des principes déjà bien établis », répondent de nombreux acteurs de ce dossier. Thierry Wickers, avocat et ex-président du CNB, d'ajouter « l'arrêt est très riche sur les limites du pouvoir normatif, même si le Conseil d'État avait déjà eu l'occasion d'en traiter ». « Le Conseil d'État confirme le pouvoir réglementaire du CNB, mais il n'est que subsidiaire, c'est une attribution encadrée. » ajoute David Lévy, avocat et ancien directeur du pôle juridique du CNB. La jurisprudence constante de la juridiction administrative suprême devait donc logiquement mener à cette annulation.

La liberté, l'indépendance de l'avocat et le secret professionnel sanctuarisés ?

Le Conseil d'État s'est aussi appuyé sur les principes de liberté et d'indépendance des avocats pour annuler la possibilité d'ouvrir un bureau dans une entreprise : « Ces conditions d'exercice sont susceptibles de placer les avocats concernés dans une situation de dépendance matérielle et fonctionnelle vis-à-vis de l'entreprise qui les héberge et mettent ainsi en cause les règles essentielles régissant la profession d'avocat d'indépendance et de respect du secret professionnel ».
Là encore, ce raisonnement est loin d'être une première (voir notamment CE Sect., 10 avr. 2008). Protéger ces principes est constant pour le Conseil d'État. L'optimisme de la Conférence des bâtonniers sur la sanctuarisation des principes, et sur le secret est loin de faire l'unanimité.

Et l'avocat en entreprise dans tout cela ?


La pratique de l'avocat en entreprise reste donc une question de fond qui devrait être tranchée par le législateur. Les pistes, telle qu'une proposition du gouvernement sur le statut de l'avocat salarié en entreprise afin de s'aligner avec la plupart des pays de l'Union européenne et les principaux partenaires commerciaux de la France ou bien encore l'obtention du legal privilege par les juristes d'entreprises, émergent de nouveau alors qu'on évoque aussi l'expert-comptable en entreprise.
Contrairement aux avocats, très divisés sur le statut d'avocat en entreprise, le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables et les principaux syndicats de la profession demandent unanimement la création d'un expert-comptable en entreprise. « La Conférence des bâtonniers s'est toujours opposée à la création d'un statut d'avocat salarié en entreprise » rappelle Jérôme Gavaudan, président de la Conférence des bâtonniers.
L'ACE (Avocats conseils d'entreprises, le syndicat des avocats d'affaires) est au contraire favorable depuis toujours à cette solution. Comme le bâtonnier de Paris Marie-Aimée Peyron : « Je suis pour la création de la grande profession du droit. Le droit est partout, les avocats doivent donc être partout. Je suis extrêmement favorable à l'avocat en entreprise dont il faudra définir le cadre. J'ai été élue en le disant haut et fort. »
Du côté des juristes d'entreprises, la fusion des professions juridiques (avocats, juristes d'entreprise) est demandée « il est urgentissime de casser les barrières et de créer une véritable filière juridique » a expliqué Stéphanie Fougou, présidente de l'Association française des juristes d'entreprise (AFJE), lors du Grenelle du droit, organisé récemment avec le Cercle Montesquieu. Dans l'esprit du think & do-tank Tous Droits Devant il faut mettre en avant une filière juridique française, « favorisant la mobilité entre les différents modes d'exercice, tout en tenant compte de leurs spécificités ».
Olivier Cousi, avocat chez Gide et président de l'Alliance des avocats pour les droits de l'Homme, prône également l'échange : « Le rapprochement des professions est nécessaire et cohérent pour la mise en place de projets partagés e montés ensemble, comme des formations communes, le partage de bonnes pratiques d'activités similaires, particulièrement dans les activités de conseil aux entreprises et face à l'adaptation du juridique aux défis du numérique. »
L'avocat n'a pas réussi son entrée en entreprise avec ce bureau secondaire. Mais l'idée de créer un avocat en entreprise n'est visiblement pas encore abandonnée. Seule certitude, plus de décision unilatérale de la part du CNB rappelé à l'ordre par le Conseil d'État.
n Jeanne DISSET et Boris STOYKOV

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