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Exportations de blé : la France en passe de perdre sa première place ?

La société Agritel, experte en stratégies des marchés agricoles et agro-industriels, a convié la presse pour faire état de la situation désormais critique de la filière agricole. La France risque de perdre cette année son leadership européen à l'export de blé tendre.
Exportations de blé : la France en passe de perdre sa première place ?

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Les inondations de juin dernier n'ont pas fini de faire parler d'elles. Michel Portier, directeur général d'Agritel, affirme que la France devrait « perdre son leadership européen à l'export en blé tendre vers les pays tiers en 2016 » au profit de l'Allemagne, suite à des récoltes « catastrophiques ». Une situation jugée « exceptionnelle et inédite » par la société experte en matière agricole, qui table selon une étude publiée le 9 août sur une exportation en baisse de 60% par rapport à l'année passée ; la production chutant de 12,8 à 5,1 millions de tonnes à l'exportation hors Union européenne *.
La perte sèche est estimée à deux milliards d'euros de l'excédant commercial, et ce, seulement pour le blé (Agritel évalue une perte d'un milliard pour les autres cultures).

Selon Agritel, ces variations de rendement ne se produiraient que tous les 1500 ans ! Et si la filière agricole accuse le coup (elle emploie 460 000 personnes), ce sont surtout les agriculteurs qui devront en supporter les conséquences. En effet, dans le cadre d'un marché mondialisé, les mauvaises récoltes françaises n'auront que peu d'impact sur le consommateur. Les États-Unis compensent ainsi les mauvaises coupes européennes, par conséquent le prix du blé ne devrait pas baisser rassure Michel Portier.

Ce constat accablant ne s'arrête pas là. En effet, la France est le 5e producteur mondial de blé, et 1er producteur européen, mais doit faire face à de sérieux concurrents. Concurrents qui, à la différence de l'hexagone, annoncent des résultats plus qu'encourageants. Ainsi, les États-Unis, la Russie, et la Roumanie affichent des récoltes records selon Michel Portier.

La France est le 5e producteur mondial de blé et le 1er producteur européen

De même, l'Australie et le Canada (respectivement 11% et 13% des exportations mondiales de blé), deux concurrents directs, devraient réaliser de très bonnes récoltes également. Ces résultats sont amplifiés par le fait que le blé (43%) et l'orge (15%) constituent en France 60% de l'assolement d'une exploitation céréalière classique …

Autant de chiffres qui illustrent l'importance de cette crise, pour un pays qui est habituellement 4e exportateur de blé au monde (la France vend 50% de sa production à l'étranger). De même, le Maghreb (2e acheteur de blé français après l'UE) risque de se tourner vers d'autres pays exportateurs, tels que la Roumanie, ou plus loin, les États-Unis ainsi que le Canada.

Et la moisson ne se contente pas d'être peu généreuse puisqu'elle souffre également d'un blé de mauvaise qualité. La faute aux intempéries et au mauvais temps printanier, qui ont noyé les épis et empêché la lumière de faire son œuvre. Michel Portier indique sur ce point que la corrélation intempéries/récoltes saute aux yeux lorsque l'on superpose les cartes de pluviométrie et de moisson.

Malgré cet amer constat, la France reste le premier pays producteur au sein de l'Union européenne, et reprendra probablement sa place de leader à l'export l'année prochaine. Partant, plus aucun doute n'est permis s'agissant des effets du réchauffement climatiques sur les récoltes, mais reste à savoir quelles sont les meilleures réponses à apporter.

Et après ?

Pour Agritel, les solutions à court terme tournent autour de la trésorerie. Trois acteurs sont attendus au tournant : les banques, les organismes stockeurs mais aussi l'État. Ce dernier n'agit pas suffisamment selon la société experte, qui estime que « les mesures de soutien ponctuelles annoncées par le gouvernement ne suffiront pas à endiguer la crise après déjà deux années de revenus proches de zéro pour les céréaliers ».

Pour relever la tête, il faudra également miser sur des solutions sociales et fiscales (dégrèvement sur les impôts fonciers, reports des cotisations MSA, etc.). S'agissant du moyen et du long termes, le directeur d'Agritel répond qu'il est nécessaire d'harmoniser plus en profondeur les législations au sein de l'UE, et éviter ainsi des distorsions de concurrence trop difficiles à surmonter.

* Sondage réalisé auprès d'un panel représentatif des opérateurs de la filière qui représente plus des trois quarts des cultures françaises de blé tendre, par le département recherche et analyse d'Agritel entre le 27 juillet et le 8 août 2016.

2016 : la pire moisson depuis des décennies

© FDSEA77
Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire les récoltes : cauchemardesques, catastrophiques, désastreuses. Les céréaliers, notamment seine-et-marnais, affrontent des situations très difficiles. C'est tout le travail de l'année qui est réduit à néant. La Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) sollicite des mesures exceptionnelles.

« J'aurai mieux fait de rester chez moi cette année, j'aurai fait des économies. Je ne couvre même pas ce que j'ai apporté aux cultures pour les faire pousser », confie un agriculteur seine-et-marnais à la FDSEA du 77. Certaines cultures présentent des rendements en baisse de plus de 50 %.

De fait, « les pluies exceptionnelles tombées en mai-juin – environ 350 mm d'eau par mètre carré, soit la moitié des précipitations annuelles moyennes –, un manque de rayonnement et des températures froides ont eu des conséquences catastrophiques sur la fécondation et le remplissage des grains », explique la FDSEA.

Résultat : des rendements réduits de moitié, voire bien au-delà, toutes cultures confondues. Pour les agriculteurs seine-et-marnais, c'est « du jamais vu » ! Même les moissons catastrophiques de 1956 et 1976 n'étaient pas aussi faibles.

La situation est d'autant plus dramatique que les céréaliers affrontent des cours des matières premières agricoles au plus bas, « largement inférieurs aux prix de revient », selon la FDSEA.

Ainsi, les projections actuelles sur le blé - il reste encore 30 % des parcelles à récolter dans le nord de la Seine-et-Marne - laissent à penser que les rendements seront voisins de 40 quintaux par hectare au lieu de 79.6 qx/ha pour la moyenne.

Pour les orges d'hiver, la situation n'est guère mieux avec des rendements en chute libre à 54 qx/ha (-30 %) et une qualité hétérogène qui devrait conduire à des déclassements de lot.

Le colza peine lui aussi avec une baisse de 20 % en moyenne avec des rendements inférieurs à 28 qx/ha.

Pire, de nombreuses parcelles de pois d'hiver ont été broyées faute de grains.

Seule petite consolation pour certains, les orges de printemps se maintiennent quelque peu puisque la baisse de la moyenne départementale serait de 10 %. Pour autant, certains secteurs décrochent avec des rendements inférieurs à 40 qx/ha au lieu des 70 qx/ha escomptés habituellement.

Comme à chaque fois, il s'agit de moyennes et la plupart des agriculteurs ne s'y retrouveront pas. Certaines parcelles ont été entièrement noyées, d'autres ont subi une asphyxie racinaire, en plus des maladies.

Selon différentes agences de mises en marché, cette situation va créer un manque à gagner compris entre 500 et 700 euros/ha pour couvrir les charges et recommencer l'année.

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