Quelles sont vos priorités et objectifs ?
J'ai pris mes fonctions de présidente de la Chambre des notaires de Seine-et-Marne lors d'une période assez mouvementée, correspondant à l'entrée en vigueur de la loi Macron (Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, ndlr). Notre objectif principal est de contribuer à la mise en place de cette réforme au sein du département, de sorte que les choses se déroulent avec facilité. Je veux notamment parler de la liberté d'installation, inhabituelle pour notre profession. Un de nos axes principaux consistera donc à accueillir ces nouveaux notaires au sein du département, en organisant des visites à la Chambre et des formations pour intégrer au mieux ces nouveaux notaires.
Ces derniers sont-ils nombreux ?
Il est difficile de quantifier, puisque certaines zones de création dépassent les limites du département, comme Roissy Sud ou Créteil. On peut estimer qu'il y aura entre 25 et 40 nouveaux notaires dans le département. Les tirages au sort sont réalisés pour la majeure partie des zones, mais seulement deux notaires ont d'ores et déjà été nommés pour la création de deux nouveaux offices.
Sentez-vous une amélioration de l'activité ?
Oui, l'activité économique est plutôt dynamique actuellement, les ventes immobilières fonctionnent plutôt bien. Cela entraîne mécaniquement une amélioration de notre activité, liée en grande partie à l'immobilier.
Qu'en est-il de la diversification des activités du notaire ?
La diversification est effectivement encouragée par les instances professionnelles, qu'il s'agisse du Conseil supérieur du notariat ou des chambres. Il faut dire que dans une période d'activité assez dense, nous éprouvons parfois des difficultés à développer de nouvelles activités. Mais bien sûr, c'est ce que nous recherchons.
Les consultations gratuites sont-elles toujours d'actualité ?
Au niveau des études, c'est au cas par cas. Du fait de la réforme, certains ont supprimé la gratuité. S'agissant de la Chambre, nous offrons des consultations gratuites, dont nous avons doublé la fréquence pour faire face aux demandes. Ces dernières connaissent une bonne fréquentation de manière générale. L'idée est de faire connaître l'ensemble de nos compétences. Les clients ont, le plus souvent, une relation continue avec leur notaire et n'hésitent pas à le consulter pour une question ponctuelle, patrimoniale ou dans un autre domaine.
Offrez-vous d'autres services aux particuliers au niveau de la Chambre ?
Nous mettons en place des actions, dont les entrepreneurs, les particuliers et les collectivités peuvent bénéficier. En avril, nous avons organisé un forum-débat à l'attention des collectivités, en présence de deux professeurs de droit, pour traiter de « l'acte notarié au service des collectivités ». Nous souhaiterions réitérer cette action l'année prochaine. Aussi, nous préparons régulièrement des formations à l'attention des chefs d'entreprise, pour leur donner le réflexe de s'adresser à leur notaire, lors une transmission d'entreprise par exemple. Enfin, une fois par an nous mettons en place les « rencontres notariales », conformément aux directives du Conseil supérieur du notariat, qui développe cela au niveau national. En général, il s'agit d'une journée pendant laquelle les notaires du département donnent gratuitement des consultations aux particuliers de 14 h à 18 h. La Chambre prévoit également chaque année – le dernier mardi de janvier généralement - une présentation de la loi de finances dans les locaux de la CCI et de la Chambre, en collaboration avec les experts-comptables et le Crédit Agricole.
L'engagement des notaires dans la médiation est également de plus en plus important…
Certains notaires ont décidé de s'y engager, mais cela reste parfois difficile pour nous. À mon sens, la médiation est une activité à part entière. Il n'est pas toujours aisé de conjuguer cette matière en étant nommé par le tribunal avec le traitement au quotidien de nos autres dossiers.
Comment se passe la collaboration avec les trois barreaux/tribunaux ?
Nous essayons de bien coordonner nos réunions au niveau du département, les justiciables du Nord du département peuvent être amenés à traiter une affaire avec un tribunal du Sud. Nous prévoyons des réunions régulières et des groupes de travail avec les magistrats des trois tribunaux à la fois. Et nous organisons une réunion à la Chambre en présence des trois barreaux : la réflexion se fait pour les notaires au niveau départemental.
Qu'en est-il de la réforme du divorce par consentement mutuel ?
Nous essayons actuellement de la mettre en place et nous faisons face aux difficultés qui se présentent au cas par cas. Il nous faut trouver une stratégie commune de travail avec les avocats. De nouvelles questions devraient être soulevées, la réforme n'étant en place que depuis sept mois.
Chacun a sa part de travail, mais l'on peut dire que la collaboration avec les avocats se passe plutôt bien.
Avez-vous enregistré un regain d'activité ?
Il est difficile de répondre, puisque nous sommes amenés à traiter des divorces que nous ne voyions pas auparavant. Les personnes divorçant par consentement mutuel, mais ne disposant pas de patrimoine immobilier à partager, ne venaient pas obligatoirement nous voir. C'est donc réellement nouveau pour nous.
La tarification en la matière est-elle suffisante ?
Elle ne rémunère effectivement pas le coût horaire passé ni la responsabilité que nous prenons.
Comment le numérique transforme-t-il vos méthodes de travail ?
Cette transformation est initiée depuis fort longtemps chez les notaires, ce n'est plus une révolution. La dématérialisation avec la télétransmission est déjà en place depuis une dizaine d'années. L'acte électronique est déjà utilisé dans la quasi-totalité du département. Au 1er janvier prochain, nous aurons l'obligation de télétransmettre tous les actes qui peuvent l'être au service de la publicité foncière. De même, certaines études envisagent de passer au « zéro papier », d'autres s'y sont déjà attelées. Nous sommes donc vraiment en avance sur ce point et nous avons les outils qui le permettent.
Le numérique nuit-il à ce lien de proximité porté par les notaires, compte tenu de l'étendue du territoire ?
Certes, le territoire est très vaste, mais nous nous rendons compte que la clientèle est locale. En réalité, le numérique permet justement de dépasser certaines difficultés. Un client que nous suivons depuis 20 ans et qui déciderait de déménager dans le Sud peut tout de même rester notre client. Nous essayons d'optimiser notre relation locale avec le client grâce au numérique, le but n'est pas de s'étendre, mais plutôt d'améliorer la relation client et de le placer au centre de nos préoccupations.
Quelles doivent être les priorités à venir pour la profession ?
C'est pour moi la mise en œuvre de la réforme et l'intégration des nouveaux notaires. Si certains tirages au sort ont déjà eu lieu, tout un travail reste à effectuer…
Les notaires étaient au départ vent debout contre cette réforme. Ils semblent aujourd'hui l'accepter…
Nous n'avons pas le choix. Nous ne sommes toujours pas favorables aux nouvelles procédures instaurées pour la création des offices, dans le sens où aujourd'hui les créations d'office ne se font plus par concours mais par tirage au sort. Notre priorité est de maintenir cette unité et donc de bien intégrer nos nouveaux confrères dans la compagnie. Mais comme je l'ai mentionné, nous serons également amenés à développer certaines activités que nous avions délaissées avec le temps, comme le droit de l'entreprise, la négociation, les relations avec les collectivités…
Le droit des collectivités, votre spécialité, concerne quel type de problématiques ?
Cette matière concerne les problémes immobiliés rencontrées par les collectivités. Cela va de la vente au droit d'occupation du domaine public. Plus les collectivités sont conseillées en amont, plus la procédure est fluide. Et cela nous évite d'intervenir a posteriori pour réorienter une action qui ne serait pas en totale conformité avec les règles juridiques.
Que pensez-vous de l'interprofessionnalité ?
J'ai encore beaucoup d'interrogations sur la question, puisque nous n'avons pas tous les mêmes règles. En tant qu'officiers publics, nous avons des règles de déontologie et de confraternité particulières, qui ne s'imposent pas obligatoirement aux autres professions concernées par cette réforme.