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Sénat : émergence d'une nouvelle culture du contrôle et de l'évaluation

David Assouline, président de la Commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, a présenté dernièrement le Rapport annuel sur l'application des lois (Rapport n° 654 2012-2013).
Sénat : émergence d'une nouvelle culture du contrôle et de l'évaluation
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Le Parlement ne peut plus se contenter de voter des lois : il doit aussi contrôler la manière dont ces lois s’appliquent, et vérifier si elles répondent vraiment aux attentes de nos concitoyens. C’est un enjeu de démocratie et une question de crédibilité de l’action publique et de confiance dans l’institution parlementaire.

Assurer ce suivi et informer le Sénat sur la mise en oeuvre des lois : telles sont les missions dévolues à la Commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, mise en place début 2012 et qui, dans un environnement normatif encombré et de plus en plus compliqué, s’efforce depuis un an de faire émerger au Sénat une véritable « culture du contrôle et de l’évaluation ».

Une commission nouvelle dédiée au contrôle de l’application des lois

Pour pouvoir s’appliquer, beaucoup de lois nécessitent des décrets d’application, dont la préparation relève du Gouvernement. Or, l’expérience montre que trop souvent, ces règlements ne sont pas publiés en temps utile, ce qui paralyse la mise en oeuvre du texte et prive d’effet la volonté du législateur…

Dès 1971, le Sénat s’est doté d’un outil informatique -la base APLEG- permettant aux commissions permanentes de recenser, au fur et à mesure de leur parution, les décrets et les rapports ’application des lois dont elles ont assuré la préparation.

Cette veille réglementaire conserve aujourd’hui toute son utilité, mais elle n’est plus qu’une des facettes d’une fonction de contrôle et d’évaluation à la fois plus large et plus ambitieuse.

Le Sénat a décidé d’aller plus loin en mettant en place en janvier 2012 une commission spécialisée, entièrement dédiée au contrôle de l’application des lois. Cette commission compte 39 membres.

Elle est doublement pluraliste du fait d’une clé de répartition assurant à la fois la représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.

La plupart des travaux de la commission sont confiés à un binôme de rapporteurs de sensibilité politique différente, ce qui élargit le point de vue et confère une grande impartialité à ses rapports. La commission prépare et facilite le travail législatif du Sénat en lui fournissant des bilans de l’application de législations en vigueur, notamment celles que le Gouvernement propose de modifier.

A travers un ensemble de questions très concrètes, l’approche de la commission est résolument qualitative : la loi a-t-elle été correctement mise en application ?

Les moyens nécessaires ont-ils été déployés ? En quoi le texte a-t-il modifié le fonctionnement de l’administration, l’organisation de la société et, surtout, la vie des administrés ? etc…

Au final, le constat objectif établi par la commission débouche sur une double interrogation législative : la loi a-t-elle répondu aux attentes qui justifiaient son adoption ? Faut-il aujourd’hui l’abroger, la modifier, et si tel est le cas, dans quelle direction ?

Par cette démarche, la commission entend contribuer à l’émergence au Sénat d’une véritable « culture du contrôle et de l’évaluation », qui enrichit et modernise la fonction législative en rénovant les réflexes traditionnels du contrôle parlementaire.

En à peine plus d’un an, la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, avec le concours des commissions permanentes intéressées, a déjà présenté au Sénat dix rapports d’information dont plusieurs ont fait l’objet de débats de contrôle en séance publique, en présence des ministres concernés. Plusieurs autres rapports sont en cours d’élaboration, dont deux qui devraient être présentés d’ici à la fin juillet 2013 sur, d’une part le statut de l’auto-entrepreneur (rapporteurs : M. Philippe Kaltenbach et Mme Muguette Dini), d’autre part sur l’industrie du tourisme (rapporteurs : MM. Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre).

Mise en application des lois : des progrès durant la session 2011-2012

Un délai imposé : conformément à une circulaire du 29 février 2008, les ministères sont tenus de publier les décrets d’application de toute nouvelle loi dans un délai maximum de six mois. Cependant, certains décrets pouvant être publiés dans des délais plus tardifs du fait des rigidités intrinsèques de leur procédure d’élaboration (lorsqu’elle nécessite des consultations externes obligatoires, notamment).

La mise en application des lois est une priorité affirmée du Gouvernement : les statistiques d’application des textes récents se révèlent cette année en hausse par rapport aux exercices précédents, aussi bien en valeur absolue (nombre de lois mises en application et nombre de mesures publiées au cours de la période de référence) qu’en ce qui concerne les délais de publication des décrets d’application.

En particulier, le pourcentage global de mise en application des mesures législatives adoptées durant la session 2011-2012 atteint 66 %%, en très légère hausse par rapport à la session précédente (64 %%). Mais le taux de l’année dernière n’exprimait pas une tendance durable, car il avait enregistré un brutal gonflement par rapport aux sessions précédentes -où il stagnait aux alentours de 30 à 40 %% depuis de nombreuses années- en partie du fait des efforts déployés par le Gouvernement Fillon dans les derniers mois de la législature pour faire entrer en application les lois votées par sa majorité. Rapportée à la moyenne des années précédentes, la progression est donc significative.

Pour les textes votés sous la XIVème législature -c’est-à-dire par l’actuelle majorité- les premières statistiques disponibles confirment cette tendance, avec déjà plus de 80 %% de lois mises en application partielle ou totale, alors même que le délai de 6 mois imparti au Gouvernement pour publier ses textes d’application n’est pas encore expiré.

Une nouvelle période de référence : les statistiques de la session parlementaire 2011-2012 prennent en compte les lois votées durant la période s’étendant du 14 juillet 2011 au 30 septembre 2012. Ces bornes ont été fixées en coordination avec le Secrétariat général du Gouvernement, de manière à identifier le plus précisément possible les effets liés au changement de Gouvernement et de législature à la suite de l’élection présidentielle puis des élections législatives de mai et juin 2012.

Quelques indicateurs à retenir de la session 2011-2012

Globalement, le taux et les délais de mise en application des textes issus de l’initiative parlementaire (propositions de loi et amendements) sont du même ordre que pour les textes d’origine gouvernementale, avec toutefois des données moins favorables pour les textes du Sénat que ceux de l’Assemblée nationale.

En dépit de progrès récents, la mise en application des textes adoptés à la demande du Gouvernement selon la procédure accélérée n’est guère plus rapide que celle des autres lois. L’examen d’un projet ou d’une proposition de loi selon la procédure accélérée n’est donc pas le gage de sa mise en application plus rapide après promulgation.

Le rattrapage des retards de publication des décrets d’application des lois de la précédente législature s’est poursuivi en 2011-2012, mais à un rythme plus faible. Le taux de mise en application du « stock ancien » -c’est-à-dire des lois antérieures à 2007 non encore appliquées- reste médiocre et n’a pas marqué de progrès significatif par rapport aux sessions précédentes. De fait, tout porte à penser que les lois non appliquées les plus anciennes (certaines remontent à 1981…) ne seront probablement jamais mises en application…

Une production assez irrégulière des rapports demandés au Gouvernement.

Indépendamment des décrets d’application, le Gouvernement est tenu de présenter au Parlement un certain nombre de rapports d’information prévus par différentes lois.

Or, cette année encore, la production de ces rapports est bien moindre que celle attendue, et nettement plus lente que celle des textes réglementaires, en dépit des observations récurrentes du Parlement sur cette question.

Vers un environnement normatif plus simple et plus performant

La commission sénatoriale prend acte des efforts du Gouvernement pour améliorer l’application des lois, endiguer l’inflation législative, simplifier le droit existant et rendre plus performant le circuit normatif. Ainsi, lors de sa réunion du 2 avril 2013, le nouveau Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) a publié une véritable « feuille de route » mobilisant l’ensemble des ministères, avec plusieurs objectifs porteurs comme la « règle du 1 pour 1 : une norme créée = une norme supprimée », l’amélioration des études d’impact jointes aux projets de loi ou la réduction de l’instabilité législative grâce à une évaluation préalable à toute modification des normes existantes, etc…

Dans ce contexte, la commission sénatoriale entretient depuis sa création un bon climat de confiance avec les instances gouvernementales plus particulièrement en charge d’orchestrer et de rationaliser la production normative, notamment le ministère chargé des Relations avec le Parlement et le Secrétariat général du Gouvernement.

La commission suit également avec attention les travaux des grandes organisations internationales sur l’efficacité et la performance du droit, en particulier l’OCDE.

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