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La réforme des retraites en débat

La réforme des retraites suscite une vive colère dans le pays. Alors que ce projet de loi s’apprête à être discuté à l’Assemblée nationale à partir du 6 février, les syndicats livrent bataille dans la rue depuis plusieurs semaines.
La réforme des retraites en débat
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Le 31 janvier, plusieurs milliers de Seine-et-Marnais ont manifesté à Melun, Meaux et Nemours, contre le projet de réforme des retraites proposé par Emmanuel Macron, lors de l’élection présidentielle et défendu par gouvernement d’Élisabeth Borne. Après une première journée de manifestations et de grèves le 19 janvier et avant deux autres mobilisations prévues les 7 et 11 février, la contestation ne faiblit pas. Plusieurs représentants de syndicats et d’organisations professionnelles du département ont accepté d’évoquer cette question brûlante. Les avis sont évidemment partagés.

Des visions opposées

« Cette réforme n’est pas totalement injuste, mais comme chaque camp donne des informations allant dans son sens, ce n’est pas toujours facile de s’y retrouver », constate Denis Schiavone, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises de Seine-et-Marne (CPME 77) et patron d’Héméra, une entreprise de nettoyage industriel, basée à Cesson. Dans les rangs de la Confédération générale du travail de Seine-et-Marne (CGT 77), cette réforme ne repose sur aucune justification économique et ne porte pas un projet de société.

« On va laisser les jeunes dans la galère et les seniors travailler de plus en plus pour ceux qui le peuvent », craint Patrick Masson, le secrétaire départemental, qui défend un départ à la retraite à 60 ans et même à 55 ans pour les métiers les plus pénibles.« À 60 ans, on est encore en bonne santé. On peut jouir de ses années de retraite, puisque l’espérance de vie n’augmente plus aussi vite et commence même à stagner. On ne peut pas hypothéquer l’avenir. De l’argent, il y en a et on ne peut pas se limiter à 14 % des richesses créées. Ce ne sont pas les patrons qui créent ces richesses, c’est nous les salariés ! », clame-t-il.

Une opinion nullement partagée par Denis Schiavone : « Qu’on arrête de nous mettre dans le même sac que les patrons du CAC 40. Un patron, c’est un salarié qui a créé son entreprise et qui ne vit pas sur un tas d’or comme beaucoup le pensent ».

Pour Marc Francon, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail de Seine-et-Marne (CFDT 77), le Gouvernement appréhende mal cette question des retraites : « Avec la décision de repousser l’âge légal de départ à 64 ans, on ne prend pas en compte les personnes qui débutent tôt leur carrière, les métiers pénibles et aussi le fait qu’une personne sur deux qui part à la retraite aujourd’hui est au chômage ».

Quant à Marianne Fouache, présidente de l’antenne seine-et-marnaise de Mobilians, (organisation patronale représentant les entreprises de la distribution et des services de l’automobile), elle côtoie de jeunes salariés qui ne semblent plus se faire beaucoup d’illusions sur leur future retraite : « Cette réforme est faite pour les personnes qui vont partir à la retraite dans les dix prochaines années. Pour les autres, l’avenir est plus sombre ». Si elle reste persuadée de la nécessité de la réforme, cette cheffe d’entreprise n’est toutefois pas contre à faire du cas par cas.

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L’enjeu de la pénibilité

Quel que soit le secteur d’activité, patrons et salariés semblent se rejoindre au moins sur un point : la pénibilité au travail déjà remise en question lors du premier quinquennat du président Macron. Si le projet de réforme actuel énonce des mesures en lien direct avec ce sujet, ces dernières ne sont pas considérées suffisantes.

Pour Delphine Mairiaux, vice-présidente Île-de-France de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) et responsable du collège des restaurateurs de Seine-et-Marne (elle est propriétaire de deux restaurants dans le département), les mesures annoncées dans ce domaine ne la satisfont pas : « Quand vous avez commencé à travailler à 16 ans, on ne peut pas vous demander de travailler jusqu’à 62 ou 64 ans. Il y a une vraie pénibilité dans notre travail avec la station debout et les gestes répétitifs qui usent les articulations. C’est extrêmement pesant. Si vous voyez quelqu’un de 64 ans qui porte des plateaux lourds ou qui fait le ménage dans des chambres, vous allez être choqué ». Mais l’ancienne candidate des Républicains aux élections législatives juge néanmoins nécessaire cette réforme, puisque l’insertion d’un troisième palier d’âge d’entrée dans la profession, à savoir 18 ans, (en plus de ceux de 16 et 20 ans), est un levier important dans sa branche professionnelle, surtout pour les carrières longues.

Jean-Marc Sereni, président du Mouvement des entreprises de France de Seine-et-Marne (Medef 77), estime, lui, qu’il faudrait un suivi médical, parfois renforcé, pour chaque profession et avec une attention plus particulière pour les personnes travaillant au-delà de 55 ans : « On n’a pas fini de voir cette réforme se transformer, notamment sur cette question de la pénibilité, car on ne peut pas laisser les gens comme ça. Il faut les accompagner tout au long de leur existence. Notre pays sait être humain, c’est dans son ADN ».

Des seniors à valoriser

Et les seniors ? Le projet de loi sur les retraites ne les oublie pas, misant notamment sur la création d’un “index senior“ censé « valoriser les bonnes pratiques des entreprises et dénoncer les mauvaises », selon les termes de la Première ministre. Denis Schiavone, le président de la CPME 77, a aussi son avis sur la question : « Il y a évidemment des choses à faire en termes de source de cotisations, puisqu’on a une population, qui vieillit de plus en plus longtemps et c’est tant mieux. A une époque, l’emploi des seniors était soumis à des pénalités en cas de licenciement. Ce n’était pas une bonne stratégie, car dans ces cas-là, on n’en emploie plus. Il faut vraiment soutenir cet emploi à travers des incitations fiscales. On devrait notamment aider les entreprises à financer le maintien des seniors dans l’emploi dans le cadre d’un tutorat avec un jeune salarié recruté pour que la transmission du savoir puisse se faire. Ce serait beaucoup mieux que de payer des gens au chômage, ce qui n’a pas d’intérêt. C’est un vrai défi, puisque l’emploi des jeunes est aussi en difficulté. Embaucher un jeune uniquement parce qu’il est moins cher, mais sans chercher à le former, ce n'est pas une solution. Avec ce tutorat, on pourrait valoriser la fin de carrière des seniors ».

Des trous dans la raquette

Pour les femmes, aux carrières professionnelles souvent hachées et confrontées depuis de longues années à des inégalités salariales (25 % d’écart avec les hommes), la situation pourrait se révéler davantage problématique. Même perspective floue pour les personnes en situation de handicap, représentées par Élisabeth Detry, présidente de Seine-et-Marne emploi handicap (SMEH) : « Dans la réforme, il n’y a pas grand-chose de prévu en plus pour ces dernières. Les lignes ne sont déjà pas claires dans le régime général, alors pour ces personnes qui doivent faire face à des situations particulières, on ne sait pas quoi dire pour l’instant. Pour avoir déjà échangé avec des ministres, on se demande parfois s’ils sont dans la réalité du quotidien des uns et des autres. Il y a des choses qui paraissent évidentes, mais pas pour eux ! ». Toujours aussi vif, le débat est loin d’être tranché.

« Un système déficitaire »
Aude Luquet, députée MoDemde la 1re circonscription de Seine-et-Marne

« La vérité, aujourd’hui, c’est qu’on a un système déficitaire de 30 milliards d’euros par an. Il y a donc nécessité à réformer. Le système actuel des retraites met en exergue un certain nombre d’inégalités, notamment concernant les régimes spéciaux, les femmes et les hommes, et les carrières hachées ou longues. Il faut plus de justice sociale et d’égalité. Ce qui nous tient à cœur, au sein de notre groupe à l’Assemblée nationale, c’est la clause de revoyure prévue en 2027. Cette clause doit mesurer les effets de cette réforme, mais aussi le montant minimum à 1 200 euros, la prise en compte de la pénibilité et les trimestres “maternité”. On cherche aussi à développer l’emploi des seniors qui est très faible en France. »

« Une réforme injuste »
Maxime Laisney, député LFI-NUPES de la 10e circonscription de Seine-et-Marne

« C’est une réforme injuste. Elle existe pour faire plaisir à la Commission européenne qui réclame ce genre de texte, afin de rentrer dans les clous qu’elle a elle-même inventés. Une volonté cachée de ce projet est que les salariés des professions à haute pénibilité physique et mentale n’atteindront probablement jamais l’âge légal et ne toucheront donc pas leur pension complète. Pour l’État, ce serait un moyen de faire des économies. À l’Assemblée nationale, nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir, mais le gouvernement a choisi une procédure qui n’est pas favorable au travail parlementaire. Le 19 janvier a marqué une mobilisation historique pour un premier jour de manifestation contre une réforme des retraites. Des mouvements sociaux ont déjà battu des gouvernements en les empêchant d’appliquer leur réforme. »

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