Tout le conseil régional des experts-comptables de Paris a mouillé la chemise pour fêter dignement les 70 ans de la profession. Un coup d’envoi sur les chapeaux de roues avec une petite vidéo humoristique des conseillers donnant le "la" en accueillant leurs confrères en chanson.
Ambiance festive et décontractée avec Stéphane Cohen, président de l’ordre des experts-comptables région Paris Ile-de-France, et Julien Tokarz, le commissaire général du congrès, qui ont animé à merveille, et non sans second degré, cette ouverture de match. Le duo de choc a ensuite passé le ballon à son capitaine.
Philippe Arraou, président de l'ordre, a saisi la balle au bond avec joie pour cette première période, annonçant le record d'affluence avec 5 680 experts-comptables inscrits au congrès, ce à quoi il faut ajouter 700 jeunes experts-comptables, quelques collaborateurs et surtout, 425 comptables étrangers dont 33 présidents nationaux et plus de 50 pays représentés. Ce congrès c’est avant tout la réunion de la grande famille de l’expertise comptable et « trois jours où nous allons recharger les batteries avant de revenir dans nos cabinets », avoue le président. Ce n’est pas tout, les experts-comptables ont « la volonté d'agir et de s'engager dans la construction européenne », c’est pourquoi le prochain congrès se tiendra à Bruxelles du 28 au 30 septembre 2016. « Ne soyez pas surpris si vous voyez un stand avec des moules, des frites et de la bière, c’est pour annoncer le congrès ! » lance avec humour le président. La profession est mobilisée et souhaite s’engouffrer dans la mêlée européenne. « L'Europe ce n'est pas que subir des textes, c'est aussi une contribution à cet exercice de la construction du marché unique. »
Revenons au match de cette année, où les efforts ont été concentrés sur le numérique. Philippe Arraou a ainsi exprimé sa fierté d'accueillir le Premier ministre, Manuel Valls, et la secrétaire d’Etat au numérique Axelle Lemaire. « C’est à souligner parce que ça n’arrive pas souvent.». La dernière fois que le chef du gouvernement avait fait le déplacement c'était en 2003. Si toute la société est engagée dans la révolution numérique, les experts-comptables le sont aussi. Et pour cause, selon une étude Deloitte, ils représentent la deuxième profession la plus menacée par les progrès technologiques. De fait, depuis 2001 ce sont 30 100 postes de comptables qui ont été supprimés dans la seule ville de Londres. Les experts-comptables français comptent bien désosser ces statistiques inquiétantes et rester dans le match.
Selon une enquête récente réalisée par l’ordre, 64%% d’entre eux estiment que la transformation numérique de leur cabinet est « une obligation pour le développement de leur structure », 34%% « une opportunité pour proposer de nouvelles missions de conseils pour leurs clients » et seulement 1%% a ne pas se sentir concerné par cette révolution. Plutôt rassurant, une autre enquête de 2014 montre que 81%% des TPE-PME ont recours à un cabinet d’expertises-comptables, ce qui les place en pole position devant les centres de gestion agréés et les cabinets d’avocats.
Les experts-comptables sont conscients que de nouveaux paradigmes rentrent sur le marché avec des conditions d'exercice basées sur le service, la disponibilité, l'accessibilité et le choix. Ils mettent désormais en avant leur potentiel de conseil et de « full service » et se préparent à « l’ubérisation » de l’économie. Philippe Arraou reprend la définition de Maurice Lévy selon laquelle l’ubérisation « c'est l'idée qu'on se réveille soudainement en découvrant que son métier traditionnel a disparu », pour motiver ses confrères à se réinventer. La profession d'expert-comptable semble bien menacée d'uberisation, car il existe une véritable crainte des professionnels de voir les factures se dématérialiser et les comptes s'automatiser.
Néanmoins, les comptables sont « les acteurs de la dématérialisation » et prennent à bras-le-corps le tournant du digital, « un changement inéluctable auquel la profession fait face avec ses atouts ».
Des petites vidéos récapitulant en musique les chiffres clés et le vocabulaire du numérique, ainsi que des infographies sur les GAFA, NATU et les nouveaux outils numériques pour les comptables ont contribué au coaching de l’assistance. La profession avait déjà marqué un bel essai avec le portail « jedeclare.com » lancé dès l'an 2000, signe de leur volonté de s'engager sur le numérique. Confiant dans l’avenir de sa profession, le président déclare « bien sûr que cette dématérialisation va nous bousculer, mais l'expert-comptable est incontournable ».
En guise de mi-temps Mark J.Koziel (photo ci-dessus), vice président de l’AICPA (American Institute of Certified Public Accountants), l'organisation professionnelle nationale des comptables certifiés aux Etats-Unis qui réunit plus de 400 000 membres dans 145 pays, a expliqué les mécanismes de l’uberisation par la dynamique darwiniste du 21e siècle sur la survie du plus fort. Selon lui, il faut réagir maintenant avec une vision très large car « plus on va vite, plus on doit pouvoir voir loin ».
La journaliste Emmanuelle Duten a assuré la remise en jeu de la seconde période en animant deux tables rondes très instructives.
La première a confronté trois entrepreneurs ayant « transformé l’essai digital ». Pour Philippe Lemoine, président du Forum d'action modernités, qui a remis un rapport sur le numérique au gouvernement, un emploi sur deux va être amené à être transformé dans les 10 ans à venir. « Oui, il y a bien une transformation numérique, et c'est maintenant ! ». Il estime qu’il vaut mieux faire simple, mais se lancer quand même, et cite pour exemple des experts-comptables présents sur le net. « Done is better than perfect » pour cet entrepreneur.
Pierrick Le Masne, SVP Stratégic Planning chez Accor, a quant à lui, fait un retour d’expérience sur l’impact du numérique dans l'hôtellerie, challengé sur le plan technologique par les sites expédia et booking et sur le plan sociologique par AirB&B. Pour faire face, Accor annonce un investissement de 225 millions d’euros dans son plan digital et utilise l'open innovation en recevant une dizaine de start-up par semaine. Par exemple, Pierrick Le Masne a rencontré par hasard quelqu'un qui met en place « une sorte de Deezer classique » et teste dans un hôtel près de l'opéra Garnier son dispositif de diffusion de musique classique.
Sébastien Lafont, président co-fondateur de meilleursagents.com, a marqué un drop digital dans le domaine de l’immobilier. Son site donne aux particuliers des informations transparentes et mises à jour sur les prix de l'immobilier et les qualités des agences immobilières. Pour créer ce projet, il a lié des relations avec le CNRS, l'INRA et l'université Paris-Dauphine pour avoir des modèles de calculs complexes faisant de son site « la source d'information des prix de l'immobilier la plus fraîche et actualisée ».
La seconde table ronde, davantage pédagogique, a fait jouer trois membres de l’ordre des experts-comptables. Jean-Marc Eyssautier, le comptable marseillais qui fait bouger les lignes, a commenté une vidéo sur le nouveau vocabulaire du numérique. Big Data, Cloud, GED, BYOD, Hashtag, MOOC... n’ont plus de secret pour lui. Il motive ses confrères à s’emparer du net en concluant que « c’est à nous d'être entrepreneurs ! ».
Jean Saphores (photo), retient d’une vidéo sur les chiffres du numérique chez les experts-comptables que « le numérique, c'est parti » et qu’il faut continuer d'investir sur le capital confiance qui est leur force. Les comptables doivent rester près de leurs clients, notamment par la relation directe avec internet pour ce dernier.
Enfin, Patrick Bordas, a décrit leurs nouveaux instruments de travail pour transformer l’essai numérique, comme l'amélioration des e-créances, l'accession au e-commerce et surtout expliqué l’utilité de Statexpert, l'outil statistique des experts-comptables.
Pour la troisième mi-temps, les experts-comptables ont eu la chance de recevoir l’artiste internationale Yael Naim, et ont pu « danser à fond les ballons », dixit Stéphane Cohen, sur un groupe pop-rock.