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Grand Paris Sud

Michel Bisson, Président de Grand Paris Sud « Notre boulot, c’est de redonner de l’espérance »

Maire (PS) de Lieusaint, Michel Bisson, 64 ans, dirige la Communauté d’agglo-mération Grand Paris Sud depuis 2019. Tout aussi humaniste que politique, il défend une conception altruiste et responsable de la société.
Michel Bisson, Président de Grand Paris Sud « Notre boulot, c’est de redonner de l’espérance »
© MSM

ActualitéGrand témoin Publié le , Propos recueillis par Clémence Viola et Farid Zouaoui

Que vous inspire le résultat des élections législatives ?

Je crois que l’on est au bout d’un système avec une hyper-présidentialisation et une Assemblée nationale qui avait un rôle de suiveuse ou de contestation. Ce résultat va nous faire basculer dans une vraie démocratie comme dans d’autres pays d’Europe. Le président ne sera pas forcément suivi, ce qui permettra un travail de négociations plus sain. Cela va nous obliger à avoir des débats sur le fond, tout en arrêtant d’infantiliser les citoyens. Ce ne sera pas facile dans un premier temps, car ce n’est pas dans la culture française. Mais notre système démocratique ne fonctionnait plus. On ne peut pas tout attendre d’une seule personne. Il faut que chacun prenne ses responsabilités.

Étiez-vous favorable à la Nouvelle union populaire écologique et sociale et à la décision de votre ami Olivier Faure (député réélu de Seine-et-Marne et Premier secrétaire du Parti socialiste) d’y adhérer ?

Oui, je l’ai suivi dès le départ. Le bilan est plutôt positif pour penser l’avenir. Notre fibre est d’abord populaire et nous rapprocher était nécessaire. La gauche ne gagne que lorsqu’elle est rassemblée. Moi, on pourrait me placer sous n’importe quelle étiquette. Par exemple, sur le plan économique, j’adore travailler avec les entreprises. On pourrait me qualifier de centre-gauche, voire de centre-droit. Il y a quelques années, j’ai accueilli une population de Roms que j’ai fait intégrer dans sa quasi-totalité. C’est le seul exemple à ma connaissance en France et l’on a pu me qualifier d’extrême gauche. Mais en 1997, les 35 heures étaient bien plus radicales que tout ce que Mélenchon a pu écrire jusque-là ! Oui, il s’agit d’un bon résultat, mais c’est à nous de le transformer et d’être capables d’en faire une véritable force.

© DR - Inauguration de l'usine Iris Ohyama

Comment jugez-vous la percée du Rassemblement national ?

C’est une grosse déception. Emmanuel Macron n’a pas de colonne vertébrale politique. Il adapte constamment sa politique à l’environnement qui l’entoure. C’est un tacticien hors pair, mais il a lui-même créé les extrêmes. Cela produit maintenant une tripolarisation de la vie politique avec laquelle il va falloir vivre. Depuis des décennies, nous sommes témoins d’une individualisation des comportements, mais avec un développement des solidarités en parallèle. Plus que d’un vote, les jeunes ont besoin d’actions concrètes pour s’engager et faire avancer les choses. On est dans une logique très verticale, mais la société est horizontale. Il faut créer les points de rencontre.

Comment parvenez-vous à cumuler vos deux mandats de maire et de président d’une intercommunalité ?

Je ne parlerai pas de cumul, car ces deux activités sont liées. Pour piloter une agglomération, il faut déjà savoir gérer une ville. Je m’occupe de ma ville qui se porte bien et qui prend énormément de valeur économique et humaine. La différence se fait sur le niveau de compétences. Il y a des compétences communales et d’autres qui sont partagées. Il n’y a pas de difficultés à marier les deux, bien au contraire.

Quelles sont les principales caractéristiques de Grand Paris Sud ?

C’est l’agglomération la plus puissante du Sud francilien. Non seulement par son nombre d’habitants, mais aussi par ses entreprises, ses emplois et ses étudiants. Sur un plan sociologique, c’est une “petite France”. On a beaucoup de fragilités avec 19 quartiers en politique de la ville (QPV), ce qui est extrêmement lourd. Mais nous avons aussi d’incroyables talents. Ce qui est étonnant, c’est que les plus belles initiatives naissent des territoires les plus en difficulté. Nous menons une politique publique de transition sociale et écologique très marquée que l’on s’attache à développer. Aujourd’hui, on croit beaucoup à la politique publique, comme, par exemple, celle de l’eau. On travaille aussi sur l’énergie en étant le deuxième territoire d’Île-de-France en termes de production de chaleur. Les déchets et la mobilité constituent aussi une maîtrise publique. Notre marque de fabrique se manifeste dans ce qu’on appelle “l’inclusion républicaine”. Il s’agit d’une vision un peu rousseauiste de la vie et de l’être humain. Je pense que l’humain est fondamentalement malléable. Est-on bon ou mauvais ? Est-on égoïste ou altruiste ? C’est la mise en situation qui fait que l’on s’oriente plus d’un côté que de l’autre. Si l’on est dans une société humaniste, on induit des comportements altruistes. Cette inclusion républicaine permet à chacun, non pas de vivre, mais d’exister. Il s’agit de redonner confiance à chacun dans son envie de faire et dans son potentiel. Cela fonctionne à condition que chacun soit acteur de son propre devenir.

Comment gère-t-on une Communauté d’agglomération à cheval sur deux départements, la Seine-et-Marne et l’Essonne ?

Cette agglomération a été voulue par l’État, mais ce dernier n’a pas adapté son modèle pour répondre à une configuration avec deux départements. Pour autant, les deux préfets font un excellent travail. Ce qui n’est pas évident, c’est de multiplier les différentes institutions. C’est une gymnastique au quotidien. Mais on met aussi les forces des deux départements au service de l’agglomération. Certaines villes sont très différentes, mais c’est à nous d’en faire une richesse.

Quelle est votre analyse de la forte concentration de plateformes logistiques sur votre territoire ?

Après Roissy, nous sommes le deuxième territoire d’accueil d’entreprises logistiques en Île-de-France. Il n’y aura pas d’autres parcs logistiques à Sénart ou dans l’Essonne. La logistique évolue très vite. On a pris conscience, avec la crise sanitaire, de la grande utilité des métiers du quotidien, mais aussi des métiers logistiques. En ce moment, on assiste à une évolution avec l’avènement du e-commerce qui amène une gestion des flux, mais aussi de l’emploi. On accompagne et on initie cette mutation. La dimension écologique est également désormais prise en compte avec une neutralité carbone tout comme la question de la mobilité avec, par exemple, l’entrepôt Mondial Relay inauguré récemment sur le Parc A5, à Réau.

Cette concentration est-elle bien accueillie par la population ?

Ces entrepôts induisent évidemment des questionnements. Il s’agit de gros bâtiments pouvant constituer une gêne visuelle, mais aussi un important flux de camions. Nous avons pensé ces parcs d’activités de sorte qu’ils soient toujours proches d’une entrée d’autoroute et sur des terrains éloignés. En termes d’aménagement, tout a toujours été pensé. Il y a également un accompagnement de l’emploi qui est favorable aux habitants. L’économie a décollé sur Sénart, au début des années 2000, avec la logistique, ne l’oublions pas. Malheureusement, à l’époque, nous n’avions pas une attention aussi poussée pour le monde agricole. Aujourd’hui, nous allons rendre à l’agriculture des terrains prévus pour l’urbanisation à hauteur de 200 hectares. L’utilisation des terres agricoles telle qu’on l’a pratiquée est terminée. On ne cherche pas des coups, mais des partenaires.

Quels sont vos projets ?

Nous en avons deux importants qui concernent le Génopole et l’industrie. On a de très belles entreprises industrielles sur notre territoire, avec un taux de 18 % contre 12 % sur le plan national. Notre projet Grand Paris Sport a aussi pour vocation d’imaginer le modèle économique du sport. Cette approche mélange le sport, la santé, la formation, la recherche et l’économie. Nous avons également une dimension génomique qui s’illustre très bien avec notre pépite du Génopole et l’AFM Téléthon, à Evry. Sa maturité en termes de recherche nous permet de passer à la phase de bio production de médicaments. Ce sont des thérapies géniques et cellulaires qui doivent être identifiées, afin d’être opérationnelles pour des pathologies de types cancer ou maladies orphelines et pour lesquelles il faut mettre au moins un million d’euros sur la table. L’enjeu, pour nous, est de relever ce passage vers l’économie. Il y a aussi une partie environnementale liée à la génomique. Des dispositifs conçus par des start-up permettent d’identifier, à partir de larves de grenouilles, s’il y a des perturbateurs endocriniens dans les fleuves ou les étangs. Il y a donc un respect de la vie animale.

Où en est le projet du Cirque de l’Essonne, cette enclave verte de 130 hectares partagée entre Lisses, Corbeil et Villabé ?

C’est un super site qui me tient beaucoup à cœur. C’est aussi l’incarnation concrète de notre politique foncière et de notre préservation des espaces naturels. Les travaux ont déjà commencé, le site a été dépollué et les budgets sont en place. Nos relations avec les associations locales sont très bonnes. La stratégie sociale et écologique date de 2007, avec un écoquartier, un éco-pôle et la requalification des parcs environnementaux.

Comment s’est traduite votre solidarité vis-à-vis de l’Ukraine ?

À Lieusaint, nous avions déjà accueilli cinq familles en 2014 au moment de la guerre dans le Donbass. Cela a servi de point de référence pour des familles qui habitaient Kiev et qui sont arrivées cette année. Certaines sont dans des logements privés et d’autres sont hébergées par des habitants. Les dons se poursuivent, mais on s’est vite rendu compte que le pays avait essentiellement besoin de matériel de santé, plutôt que des produits alimentaires et des vêtements. Actuellement, il y a des familles logées dans toutes les communes de l’agglomération. Notre boulot, c’est de redonner de l’espérance, sans masquer les enjeux.

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