Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective, a introduit son propos par « L'Europe : une déception, mais rien ne doit nous arrêter de tout faire pour convaincre les citoyens européens. »
De fait, une enquête récente montre qu'aujourd'hui, nous sommes 26 %% en France à penser que l'Union européenne a renforcé l'économie. Ce chiffre reste très en dessous de celui de l'Allemagne et de l'Angleterre. Pourtant, selon le commissaire, ni l'UE ni l'euro ne sont responsables de nos défaillances. La proportion entre les dépenses publiques nationales et de l'Union est grande, seulement 2 %% pour celles de l'UE.
Cependant, il reconnaît que « nous avons fait preuve d'une certaine incohérence quant aux dispositions européennes. Pour des raisons politiques, nous n'avons pas fait ce qu'il fallait ». Certes, les électeurs lui ont donné raison. La crise économique a montré qu'il y a eu des erreurs de conception, telles l’absence de mécanisme de prévention et de gestion de crise et une sous estimation de la dimension financière de l'UE. « On a vu un effondrement des marchés de capitaux européens qui nous a emmené au bord de la catastrophe. »
Selon lui, la Banque centrale européenne (BCE) a répondu à la crise de liquidité des banques et, au risque de fragmentation de l'euro, avec beaucoup de vigueur. Si elle n'a pas fait preuve d’audace en matière de soutien aux activités (politique de relance avec achat massif de titres), elle l'a fait sur les questions de prévention des risques d'explosion du système bancaire. « Le résultat est qu'aujourd'hui nous avons une inflation trop basse et nous courons un risque de déflation. Le taux de change est en partie le reflet d'une situation objective avec un excédant extérieur très important » (plus de 2 points de PIB). Le rééquilibrage reste la question majeure pour l'UE : savoir s'il doit se faire exclusivement par la mobilité des capitaux ou celle des personnes.
Aujourd'hui, le taux de chômage en Europe du Sud est beaucoup plus élevé qu'en Europe du Nord. La mobilité peut ainsi faire partie de la réponse pour une meilleure croissance économique et les jeunes l’ont déjà compris. Nombreux sont ceux qui s’expatrient pour raison professionnelle.
Un avocat interroge le commissaire : « sans faire preuve d'un optimiste béat, qu'est-ce que l'européen convaincu peut raconter à ses petits enfants sur l'avenir de notre Europe ? » La réponse se fait attendre… « L'évidence de la nécessité de l'existence de l'Union apparaît qu'on se préoccupe des questions de géopolitique, d'économie, de finance... il faut absolument préserver et poursuivre l'investissement européen ». La suite est plus pertinente encore : « La production législative européenne est considérable, il faut donc s'investir pour être les acteurs des lois que nous appliquons ». Nous sommes dans le système quoi qu’on en pense alors autant prendre part active à sa gouvernance...
« Quelles sont les mesures à prendre pour augmenter la compétitivité des entreprises françaises qui sont très pénalisées fiscalement par rapport à leurs homologues allemandes ? » Le problème de compétitivité a plusieurs dimensions (structure, prélèvement, rentabilité des entreprises). « Les baisses de cotisations sociales essayent de remédier à ce manque de compétitivité, mais vu que l'écart reste important par rapport à l'Allemagne, on a encore du travail à faire sur les dépenses ». Selon Jean Pisani-Ferry, il faut aujourd'hui raisonner dans une relation internationale : « L'obsession française de la délocalisation (création d'emplois non délocalisables) est mauvaise. Nous avons besoin du contraire. Il faut arrêter d'être dans cette attitude de fuite de la concurrence. Le modèle traditionnel français est celui de la très grande entreprise qui exporte sur les marchés mondiaux et qui délocalisent, nous devons exploiter cette force ».
Enfin, à la question « Comment Bruxelles pourrait-elle mieux fonctionner après ces élections ? » Jean Pisani-Ferry répond : « Nous avons fragmenté les responsabilités européennes de manière excessive, il faudrait restructurer la Commission et réduire les effectifs ».