C'est une véritable plongée au cœur de la guerre de position à laquelle le musée de la Grande Guerre nous invite depuis lundi, à travers une exposition originale organisée autour de l'archéologie. Présentés dans un environnement construit à l'image d'une tranchée, plus de 300 objets issus de fouilles illustrent le quotidien des poilus. Éclats d'obus, casques troués, boîte à souvenir, sabres, cuirasse et même catapultes d'un autre âge interrogent le visiteur sur les conditions de vie des soldats de diverses nationalités.
© MSM - Un aperçu de "l'effet tranchée" de l'exposition. Jean-Pierre Vernay, historien spécialiste de la Grande Guerre, est a l'origine du musée : il a apporté plus de 55 000 pièces au projet initial.
« Cette exposition temporaire permet de faire découvrir une science récente, l'archéologie de la Grande Guerre, explique Aurélie Perreten, directrice du musée. Lors des grands chantiers de TGV et d'autoroutes des années 1980-1990, nous avons mis au jour des traces importantes en lien avec le front de la Première Guerre mondiale. »
Yves Desfossés et Alain Jacques, commissaires de l'exposition, ont fait partie des premiers archéologues à révéler tout le potentiel d'une discipline jusqu'alors ignorée par la profession. « Il y a 25 ans, Alain était spécialisé dans la période antique à Arras, et moi dans l'âge du bronze, entre 1000 et 2000 av. JC, témoigne Yves Desfossés. Nous sommes tombés ensemble dans l'archéologie de la Grande Guerre, nous n'étions pas formés pour ces découvertes », poursuit-il, indiquant avoir « bâti pas à pas » cette discipline.
« L'accueil du public a été bien meilleur que celui réservé par notre profession », relate le conservateur général du patrimoine, qui ajoute que la matière est « peu à peu rentrée dans les mœurs ». La principale difficulté ayant finalement été de choisir les éléments les plus pertinents, afin d'apporter un « plus » à la connaissance de la période.
Un lien intime avec le terrain et les familles
De fait, l'archéologie de la Grande Guerre donne la possibilité aux archéologues de « rencontrer beaucoup de public » et de « montrer la démarche et l'intérêt des investigations », grâce au « lien intime » qu'ils tissent avec le terrain. D'autant que, selon Yves Desfossés, « tout le monde a sa propre notion, parfois familiale, de la Grande Guerre ».
L'exposition présente également une facette plus matérielle du conflit. « Le type d'armement retrouvé nous a étonnés », signale Alain Jacques, directeur du service archéologique de la ville d'Arras, qui précise que des mortiers artisanaux ont été créés de toutes pièces pour répondre à la guerre de tranchées.
La scénographie immersive de l'exposition participe également de cette proximité vis-à-vis du public, avec un cheminement mettant l'accent sur « la vie au quotidien » et « la mort quotidienne » des combattants.
La seconde étant la partie la « plus poignante » pour Yves Desfossés. « Quand l'archéologue fouille une tombe gauloise ou romaine, il ne sera pas confronté à ses descendants, contrairement à l'archéologie de la Grande Guerre ». Dès lors, s'entretient une « relation particulière » entre le fouilleur et le fouillé, témoigne l'archéologue.
« Ce qui frappe, c'est la jeunesse des individus que l'on exhume, qui ont entre 20 et 25 ans en majorité », confie-t-il. L'émotion se fait encore plus puissante lorsque l'identification est possible, « le soldat passant d'anonyme à quelqu'un de parfaitement connu ». Ces travaux inscrivent cette exposition au sein du cadre plus général du musée, qui est « un établissement dédié à l'Homme », comme le précise Jean-François Copé, maire de Meaux, qui souligne avoir choisi cette exposition temporaire pour son « angle original ».
Une exposition à visiter en famille
Tout au long du parcours de l'expo, le musée de la Grande Guerre invite ses visiteurs à se mettre dans la peau d'un archéologue. Des panneaux bilingues permettent de découvrir les multiples facettes du métier, et ses différentes disciplines (anthropologie, archéozoologie, topographie…), à travers le jeu et l'expérimentation. Jeunes et moins jeunes pourront notamment s'adonner à des fouilles archéologiques dans un « bac de fouille numérique interactif », visionner des projections au sol présentant les derniers chantiers de fouille, ou encore parcourir une application numérique dédiée aux « plaques d'identité ».