MSM : Pouvez-vous nous présenter l'UFB et la FFB I'île-de-France Est dont vous avez actuellement la charge ?
T.F. : Par présidence tournante, j'ai effectivement la charge de l'Union des fédérations du bâtiment d'Île-de-France qui représente quelque 100 000 entreprises, de l'artisan seul aux majors du BTP. Au niveau départemental, la Fédération Île-de-France Est (BTP 77), dont j'assure également la présidence, représente pour sa part environ 7 000 entreprises et 32 000 actifs sur le territoire de la Seine-et-Marne. En termes d'effectifs, 95 % de ces entreprises ont moins de 20 salariés. La plus grosse structure dépasse, quant à elle, 780 salariés.
On parle souvent du bâtiment de manière générale. Il faut néanmoins avoir à l'esprit qu'il regroupe 15 métiers et 50 spécialités. Sur ce marché, on distingue le neuf et la rénovation, le collectif et le diffus. Dès qu'il y a chantier, c'est du bâtiment !
MSM : Comment est représentée la fédération en Seine-et-Marne ?
T.F. : Notre fédération est gérée par un conseil d'administration d'une trentaine de chefs d'entreprise du bâtiment, sérieux et travailleurs. Pour être plus proche du territoire et de l'environnement économique de nos entreprises, elle est structurée en six « BTP territoriaux » - Provins, Fontainebleau, Melun, Meaux, Marne-la-Vallée et Coulommiers -, avec à leur tête six présidents. Cette répartition géographique correspond aux territoires économiques et historiques du département.
MSM : Quelles sont vos relations avec les représentants des autres secteurs d'activité ?
T.F. : Concernant la représentation de la fédération, nous avons 165 mandataires qui assument aujourd'hui quelque 450 mandats dans tous les secteurs, ce qui consacre une forte présence du bâtiment sur le territoire seine-et-marnais.
Il y a trois ans, nous avons, par ailleurs, créé un comité de liaison économique « Clé 77 », actuelle- ment piloté par Pierre Lory, l'ancien président du Medef 77, qui regroupe l'ensemble des organisations patronales, professionnelles et interprofessionnelles, du département : BTP 77, la CSTP77, l'Union de la métallurgie, les trois structures interprofessionnelles – Medef, CPME, UPA –, l'UMIH, le CNPA, les experts-comptables et la FNAIM. Les architectes s'y joignent également. Parler d'une seule voix constitue une force économique vis-à-vis de nos partenaires ou de nos rapports avec le Conseil départemental.
Avancer ensemble et aborder tous les sujets est notre force sur ce territoire. Je tiens à continuer à fédérer ainsi, pour le bien de l'en- semble des entreprises que nous représentons.
« AUJOURD'HUI, UNE FEMME A TOUT AUTANT DE QUALITÉS QU'UN HOMME POUR DIRIGER UNE ENTREPRISE DE BTP »
Certaines femmes voient encore le bâtiment comme un milieu « très machiste », « brut de décoffrage »... Thierry Fromentin est au contraire, un farouche défenseur de la place des femmes dans ce secteur d'activité : « De plus en plus d'entreprises sont aujourd'hui reprises par des femmes. Les choses sont réellement en train d'évoluer et c'est une très bonne chose.
Sur la partie production, ce sont encore majoritairement des hommes qui sont sur les chantiers, même s'il n'est pas rare de rencontrer des femmes grutières ou conductrices d'engins. Sur la partie encadrement, en revanche, elles sont de plus en plus nombreuses, des directrices de travaux aux chargés d'affaires. On les retrouve également sur des métiers moins physiques et plus techniques comme l'électricité ou la domotique.
Concernant la représentation, nous sortons d'élections consulaires où la présence féminine est à présent plus importante et, je pense, pas uniquement à cause du respect des critères de parité ! »
MSM : Quel est le profil type de vos adhérents ?
T.F. : Ils sont de plus en plus polyvalents. Les dirigeants de TPE ou de PME ne sont plus uniquement des techniciens. Ils prennent aussi en charge l'administration de l'entreprise, la gestion financière, la gestion du personnel, les questions commerciales... Les exigences sont de plus en plus nombreuses.
Ces exigences sont-elles en lien avec une conjoncture difficile ? La conjoncture s'améliore. Au 4e trimestre 2016, pour la première fois depuis 2011, l'indice de confiance de nos entreprises adhérentes a franchi la barre du zéro (0,13 ndlr). Nous enregistrons des signes de reprise d'activité, surtout dans le secteur du logement neuf, beaucoup moins dans le bâti existant et en rénovation.
MSM : On devrait pourtant s'attendre à une augmentation des travaux dédiés à l'amélioration des performances énergétiques ?
T.F. : Le coût de l'énergie ayant diminué, nous pensons que nos clients ne se sont pas lancés dans des travaux d'isolation ou d'installation de chauffages, estimant sans doute trop long le retour sur investissement. La protection de l'environnement est une chose, mais le financement des travaux d'amélioration de l'habitat en est une autre. C'est néanmoins paradoxal, puisque les subventions existent, les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas, les incitations fiscales sont intéressantes et les taux de TVA restent réduits. Tous les moyens sont donc réunis pour voir ce secteur se développer. Il faut persévérer et maintenir ces dispositifs.
« Notre belle et grande maison est également tenue par des permanents remarquables. Elus et permanents forment des binômes opérationnels. »
Le logement neuf se porte mieux. C'est la commande privée qui porte le marché, pas la com- mande publique. La baisse des dotations d'Etat et le change- ment des équipes au sein des col- lectivités ont également freiné les programmes d'investissement. De nombreuses entreprises – notamment dans les Travaux publics –, qui travaillent beaucoup avec la commande publique, ont été pénalisées.
La conjoncture est donc bien orientée. Nous espérons à présent que les échéances électorales ne vont pas venir perturber cet élan positif.
Nos entreprises ont besoin de stabilité institutionnelle pour pouvoir se projeter. Or, pour marquer leur différence ou par souci d'économie de court terme, les gouvernements qui se succèdent peuvent avoir tendance à remettre en cause des mesures qui ont un impact positif sur l'activité. Dans ces conditions, il est difficile pour un présiden de fédération professionnelle d'être tout à fait confiant.
MSM : Quelles seraient pour vous les bonnes décisions à prendre par le nouveau Gouvernement ?
T.F. : Tout d'abord maintenir les acquis, notamment les incitations fiscales pour la construction de logement et la TVA à taux réduits, dans notre secteur d'activité. Pour la Prési- dentielle, la fédération a formulé 112 propositions parmi lesquelles certaines aideraient économiquement le bâtiment à sortir un peu plus rapidement de la crise et créer des emplois.
La priorité est de maintenir nos effectifs au sein de nos entreprises. Dans le contexte actuel, avec plus de flexibilité et de souplesse des contrats de travail, en fonction de nos carnets de commandes, il pourrait y avoir davantage d'embauches.
C'est ce qui libérerait économiquement nos entreprises et notre pays. Puisque nous sommes incapables de réformer le code du travail, nous favorisons le statut d'auto-entrepreneur, devenu celui de la micro-entreprise. En revanche, ce dernier doit être limité dans le temps, entre deux et trois ans. Il doit rester une passerelle pour devenir chef d'entreprise.
Nous avons besoin d'entreprises structurées. Dans le département, nous avons une écrasante majorité d'entreprises familiales à qui ont ne fait pas assez confiance et qu'on ne protège pas vraiment. C'est une erreur économique, car c'est un réel potentiel et une vraie richesse.
Les travaux du Grand Paris arrivent donc à point nommé... Bien entendu, le Grand Paris va nous aider. Les grands chantiers qui vont durer des années intéressent les grandes entreprises et les groupes qui, obligatoirement, vont libérer les chantiers de petites et moyennes importances qui vont revenir aux petites et moyennes entreprises.
Le Grand Paris Express représente à lui seul 10 à 15 ans de travail. C'est bon pour l'Île-de-France. Le carnet de commandes fait rêver tout le monde. Nous retrouvons un peu de cette vision à long terme qui nous faisait tellement défaut.
MSM : Revers de la médaille, le Grand Paris génère beaucoup de déchets de chantier que la Seine- et-Marne récupère, souvent de façon sauvage...
T.F. : Il est vrai que le Grand Paris gé- nère énormément de déchets de chantier surtout inertes, donc non dangereux. La Seine-et-Marne en récupère une bonne partie. C'est pour nous un dossier environne- mental d'actualité. Nous travaillons d'ailleurs sur ce problème depuis un certain temps, avec le Conseil départemental et la Région. Il y a déjà beaucoup trop de dépôts sauvages.
Le but est de créer de vraies filières et de nouveaux métiers autour de ces matériaux à recycler.
Nous ne devons pas penser exclusivement à l'enfouissement, mais mettre en place une économie circulaire avec les circuits les plus courts possibles.Les fournisseurs de matériaux mettent actuellement des plateformes à disposition, certes pas gratuites, loin de là, pour que les dépôts soient à proximité des secteurs d'activité.
Nous devons avoir une réflexion globale sur toute l'Île-de-France. Nous avons, par ailleurs, actualisé l'application “Déchets de chantiers” grâce à laquelle un chef d'entreprise peut trouver le lieu de collecte le plus proche de son chantier.
MSM : Cette dynamique de l'activité professionelle se retrouve-t-elle à d'autres stades ?
T.F. : Oui, la fédération va ainsi lancer la troisième cession de « Lean construction ». Cette dernière propose des principes de management – issus de l'industrie et appliqués au bâtiment – au sein des entreprises qui permettent une planification et une rationalisation des tâches – gestion des plannings, des stocks, des approvisionnement, communication entre les intervenants... Ils anticipent et coordonnent notamment l'intervention des différents corps d'état sur les chantiers, créant ainsi de la valeur par l'élimination de gaspillages, à la fois de temps et de matériaux.
La construction de l'hôpital de Melun, par exemple, a été organisée en « Lean management ». C'est pour moi un véritable « antistress » qui soude les équipes et donne du sens au travail de chacun.
MSM : La transformation numérique, omniprésente, s'impose-t-elle au bâtiment comme elle le fait dans d'autres secteurs de l'activité économique ?
T.F. : Le numérique est en place dans l'industrie depuis très longtemps, à travers le « BIM » – Building Information Modeling, ndlr. Le bâtiment, lui aussi, commence à être impacté par cette évolution de nos pratiques professionnelles. Le numérique change notre façon de concevoir, de construire et d'entretenir les bâtiments.Les entreprises qui cherchent à se différencier sont les premières à adopter ces nouvelles
technologies, nécessitant des formations et des moyens, à la fois financiers et humains. Le « BIM » implique de revoir nos méthodes de travail. Nous allons devoir nous former et nous approprier ces nouveaux outils permettant d'optimiser les projets. Sur ce point, je crois que nous pouvons faire confiance à nos TPE et à nos PME de Seine-et-Marne qui sont sans doute les plus agiles pour adopter la maquette numérique en 3D, aussi devenue un outil de coopération.
Nous avons d'ailleurs créé un parcours de formation et d'animation, « L'itinéraire BIM », qui permet aujourd'hui aux entreprises, pour le neuf comme pour la rénovation, de se projeter dans ce double virtuel des ouvrages qui facilite les échanges, le partage des informations et la compréhension de tous.